Reynald Robinson : L’Hôtel des Horizons
En entrevue avec Reynald Robinson, on parle de tout: rêves, misère, étoiles, mondialisation, Italie. Et invariablement, la conversation revient au coeur même du sujet: sa prochaine pièce, dont il signe texte et mise en scène. «\J’ai écrit ce spectacle en pensant à tout ça. Mais je ne tiens pas à avoir un discours d’auteur; ce que j’aime, c’est construire une histoire. C’est la première chose qui m’intéresse.»
Adaptation de romans pour la radio, jeu, mise en scène, écriture, Reynald Robinson aime tout du théâtre. Et il semble bien que le théâtre l’aime aussi. Alors qu’il dirige à Québec les répétitions de L’Hôtel des Horizons, il joue à Montréal et, bientôt, se consacrera à la préparation de spectacles pour l’an prochain.
Ce n’est pas par le jeu que Reynald Robinson est venu au théâtre: «Ma première envie de création, c’est par l’écriture.» Passion longtemps gardée secrète, «l’écriture, pour moi, a toujours été la place où je me sens le plus libre», affirme-t-il. Après quelques pièces pour enfants, dont L’Homme, Chopin et le Petit Tas de bois, son premier texte pour adultes est présenté: La Salle des Loisirs, pièce au parcours singulier. «J’ai écrit ce texte vraiment en secret. Je me suis amusé à écrire la pièce dont je rêvais, sans jamais penser qu’elle serait montée.» Après l’avoir fait lire à des amis, Robinson eut le plaisir de la voir sur scène, et la surprise de la voir primée l’an dernier par le Masque du texte original 1998.
Son second texte pour adultes, encore en évolution – Robinson auteur et Robinson metteur en scène collaborent étroitement – sera créé le 4 avril prochain. L’Hôtel des Horizons raconte l’arrivée, dans un petit village de Gaspésie, d’un étranger (Hugues Frenette) qui s’installe dans ce qui fut jadis un hôtel chic du village. Pauline (Lise Castonguay), propriétaire de l’hôtel, cherchera avec sa soeur Noëlline (Marie Gignac) à découvrir le passé de ce jeune inconnu. Se dévoileront alors les secrets et les faiblesses de ces trois personnages ainsi que celles du compagnon de Noëlline, Romuald (Pierre Gauvreau).
Avec les comédiens, le musicien Marc Vallée, compositeur et interprète de la musique sur scène, et les concepteurs Monique Dion, Lucie Larose et Louis-Marie Lavoie, Reynald Robinson a élaboré un «\spectacle extrêmement simple» pour raconter une «histoire profondément humaine et complexe». «Il faut une certaine uverture pour écouter la pièce; on rit parfois, mais il n’y a rien de très spectaculaire», explique-t-il.
«Ce n’est pas un spectacle facile, poursuit l’auteur. C’est un spectacle que j’ai écrit avec énormément d’empathie pour la nature humaine. La situation est, banalement, tragique.» Mais la pièce n’est pas sombre pour autant. «Je n’écris pas de personnages défaitistes. Je décris, chez mes personnages, la force fondamentale des êtres humains dans la faiblesse, dans l’incompréhension, dans l’ignorance. Mais ils survivent, tout le temps. Je sais que toutes les erreurs qu’on fait dans la vie, toutes les positions qu’on prend, même la position la plus neutre, sont des positions de lutte, de survie. C’est ce qu’on doit voir dans l’oeil du personnage.»
L’âme humaine
À travers l’histoire qu’elle raconte, c’est à une réflexion sur l’être humain que convie la pièce. «Les gens réclament de l’aide. Moi, ça me touche terriblement de voir à quel point le monde a besoin d’aide – c’est dit tel quel dans le texte. Mais on dirait que personne ne l’avoue. On prend ça comme une faiblesse alors que pour moi, c’est une marque ultime de force. Ça a été ma préoccupation. Avec énormément de compassion: je n’ai pas porté de jugement.»
Écrire, ainsi, est pour cet homme de théâtre une rencontre avec l’être humain, pour lequel il avoue un profond respect. Robinson s’émerveille des secrets que cache la vie de chacun. «J’aime beaucoup les êtres humains, et je suis toujours très attiré vers la réalité. Ce sont les petites histoires, pour moi, qui démarrent toujours tout.»
Le contact privilégié, possible au théâtre, renforce sa démarche en permettant la complicité. «\Pour moi, le théâtre sert à jeter un coup d’oeil de voyeur, mais de voyeur sain, sur des êtres qu’on peut observer, sans se faire dire: "Qu’est-ce que t’as à me regarder?". C’est une permission extraordinaire, le théâtre: on a le droit de regarder des êtres humains pour la première fois, comme on peut rarement le faire dans la vie.» Il écrit d’ailleurs en epérant que les spectateurs retrouveront, dans ses personnages, des parties d’eux-mêmes. «Ce que j’aime, c’est laisser des vides pour que le public ait sa place dans l’histoire.»
Mettant la dernière main à sa pièce, dont il assume doublement la responsabilité à titre d’auteur et de metteur en scène, Reynald Robinson s’interroge: «Je ne sais pas si je suis un auteur. J’écris en ayant constamment des doutes sur moi.» Il se prépare également à assumer ce qu’il appelle «le risque du théâtre»: «Tu présentes quelque chose que tu aimes profondément. Certains vont l’aimer, d’autres non… De toute façon, l’unanimité m’inquiéterait!» ajoute-t-il en riant.
Signe évident de sa passion pour le réel, Reynald Robinson, pour cette création comme pour ses autres textes, affirme n’écrire jamais en s’enfermant loin de tout, mais bien en demeurant en plein coeur de Montréal: «Il faut que j’entende la vie autour de moi pour écrire.»
Du 4 au 29 avril
À La Bordée
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