Les Femmes de bonne humeur : La thérapie du chaos
Si on a peu vu LORRAINE CÔTÉ sur les scènes de Québec dernièrement, c’est qu’elle s’affaire plutôt en coulisses. Elle signe avec la prochaine production du Trident sa seconde mise en scène de l’année. Au programme: un détour par l’Italie, en plein carnaval.
Depuis plusieurs mois, Lorraine Côté mijote sa mise en scène de la comédie Les Femmes de bonne humeur de Carlo Goldoni, qui sera créée dans une nouvelle version. Marco Micone, traducteur de classiques italiens et auteur, a traduit et adapté, à la demande de Marie-Thérèse Fortin, la pièce datant de 1758. Abandonnant la commedia dell’arte et ses masques, figés dans la tradition, Carlo Goldoni dépoussière le théâtre de son époque en créant des comédies où le peuple peut enfin se reconnaître. «Après avoir constaté, au cours de ses voyages en Italie, qu’on est au théâtre à longueur de journée, explique Lorraine Côté, il a mis sur la scène ce peuple tellement savoureux et adorable, ces gens pleins de travers, tellement théâtraux. Sa révolution équivaut à celle opérée par Michel Tremblay avec Les Belles-Soeurs. Après Molière, Goldoni est en effet un des premiers auteurs européens à prendre des gens du peuple et à en faire des personnages dignes de la scène.»
Sur cette comédie où se côtoient les classes souffle un vent de folie: les femmes de Venise, occupées à se parer, se préparent au carnaval. Suivront la musique et l’éclat de la beauté, les rires et les intrigues, les amourettes sans conséquence. Car durant le carnaval, «levée des interdits», tout est permis. De quoi inspirer auteur et metteure en scène: «L’irrespect est l’attitude de tous les carnavals, rappelle Lorraine Côté. Les carnavals sont là pour remettre en question l’ordre du monde.»
Au royaume des apparences, les vrais visages se révéleront peu à peu. «Quand on met un masque, comme on le faisait durant le carnaval, on montre tout ce qu’il y a derrière: les envies les plus secrètes, les pulsions qu’on cache habituellement.» Apparaissent alors la nature et ses travers, auxquels le carnaval permet de lâcher la bride…
Cette atmosphère marque le travail de mise en scène et de conception, à travers la sensualité et le côté festif voulus par Lorraine Côté. «Dans le jeu, je voulais que les filles soient très libres physiquement, même si elles ont des costumes très contraignants (corsets, paniers, perruques).» Même chose pour le décor, les costumes, les maquillages: «Le côté décadent est important pour moi», ajoute-t-elle. Lorraine Côté travaille d’ailleurs étroitement avec les concepteurs Monique Dion (décor), Isabelle Larivière (costumes), Denis Guérette (éclairages), Ludovic Bonnier (musique) et Angelo Barsetti (maquillages) pour créer cette atmosphère de fête et de laisser-aller.
Marco Micone, dans son adaptation, transmet cette ambiance et l’esprit vif de Goldoni, mais rafraîchit considérablement la pièce. «Marco s’amuse, par exemple, à garder les apartés en italien. On conserve la musicalité de l’italien; en plus, c’est très lumineux, très drôle.» L’intrigue demeure la même. À travers le travail complice du traducteur et de la metteure en scène, certaines scènes ont été resserrées, certains personnages, étoffés, et le propos, modernisé par des clins d’oeil à notre époque. \«Marco a mis beaucoup de modernité dans son adaptation: réflexion féministe, déjà présente chez Goldoni, un peu plus poussée; parallèle entre le carnaval d’hiver de Venise, et celui de Québec…»
«Dans cette comédie frivole, on retrouve le rire et la folie du carnaval, ses excès; on y reconnaît également le jeu chatoyant des apparences…», assure Lorraine Côté.
Du 11 avril au 6 mai
Au Grand Théâtre
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