Marie-Line Laplante : La comédie humaine
Scène

Marie-Line Laplante : La comédie humaine

Ex-étudiante en philo convaincue que l’écriture dramatique peut être source de connaissance, et non pas juste d’expression, Marie-Line Laplante est venue au théâtre par le biais de la tragédie grecque.

Ex-étudiante en philo convaincue que l’écriture dramatique peut être source de connaissance, et non pas juste d’expression, Marie-Line Laplante est venue au théâtre par le biais de la tragédie grecque. «Ces tragédies m’intriguaient, amorce l’auteure, rencontrée dans un café de la rue Laurier. Je me suis demandé pourquoi il ne s’écrivait plus, aujourd’hui, de grandes tragédies, alors qu’il y a encore des comédies.» Au lieu de rédiger une thèse sur le sujet, Marie-Line Laplante a troqué la théorie contre la pratique et abandonné ses études pour se consacrer à l’écriture. Pour comprendre le «comment» – un mot qui reviendra comme un leitmotiv au cours de l’entrevue – de son nouveau dada, elle a lu tout ce qu’elle a trouvé sur le sujet, se délectant de la prose d’Aristote, qui lui a enseigné qu’une tragédie parfaite est une pièce à laquelle l’on ne peut rien enlever, ni ajouter. «Aristote m’a donné plein de clefs. Il ne me restait plus qu’à créer l’objet! J’ai écrit une première pièce qui travaillait le genre tragique, puis je me suis demandé ce que cela donnerait en comédie.» Enthousiasmée par cet exercice, inspiré des tétralogies grecques (trois tragédies, suivies d’une comédie), elle écrira quatre tragédies, leur greffant chacune une comédie. Huit pièces, autonomes les unes des autres, ont ainsi vu le jour…
La présentation, en collaboration avec le Théâtre Complice, d’un programme double composé d’une de ces tragédies, L’Homme assis, et de sa comédie (Comme des chaises) lui permet de pousser encore plus loin son étude du «comment» tragique. Le but de l’exercice? «Être à l’affût de ce qui pourra surgir en jouant la succession du tragique et du comique.» L’Homme assis met en scène la chute de Môle, un magouilleur trahi. «Je me suis inspirée du mythe d’Odipe roi. Mais comme j’ai été, moi, influencée par le judéo-christianisme, j’ai aussi puisé dans le mythe de Job, qui se plaint, assis sur son tas de fumier.» Présentée tout de suite après cette tragédie, dans le même décor et sns entracte, la comédie Comme des chaises ramène sur scène Tuppe et Bibe, le couple querelleur et absurde qui avait fait sourire le public du Quat’Sous lors de la présentation d’Une tache sur la lune, en 1997. «Quand l’un dit oui, l’autre dit non. Ces deux là, c’est l’impossibilité du "et". On dirait que dans notre société, on préfère le "ou", l’exclusion. C’est toujours ceci ou cela. Le "et" est perçu comme un objet de chaos.»
Artiste fascinée par la société, Marie-Line Laplante a mis du temps à venir au théâtre. Loin d’être inutiles, ses détours par les arts plastiques et la philosophie lui ont, dit-elle, beaucoup apporté, notamment un «souci de vérité» utile dans son travail avec les autres. La native du Bas-du-Fleuve est fière des distinctions que lui ont values ses pièces (la Prime à la création du Fonds Gratien-Gélinas pour Une tache sur la lune, ainsi qu’une nomination pour un Prix littéraire du Gouverneur général, et le Prix Robert-Choquette pour Crier comme un aveugle qui a perdu son bâton), et encouragée par les nombreuses lectures publiques dont elles ont fait l’objet, ici comme en France. Pas grave, semble-t-il, si la moitié d’entre elles n’ont pas encore été portées à la scène.
Pour sa première mise en scène, Marie-Line Laplante n’a décidément pas choisi la facilité: diriger six interprètes (cinq gars, une fille) dans deux pièces aux antipodes l’une de l’autre! Une double défi qui plaît à l’instigatrice de cette aventure tragicomique. «Je ne comprends pas ce que ça veut dire, être auteure de théâtre. Si je ne faisais qu’écrire, j’aurais l’impression de m’arrêter en chemin, de me suspendre, confie-t-elle. Je veux aller au bout de l’expérience…»

Du 11 au 29 avril
À la salle Fred-Barry
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