Reynald Robinson : Critique: L’Hôtel des Horizons
Tout, dans cette pièce, est en quelque sorte souterrain, sous-marin. Des mots, des gestes laissent échapper les fumerolles du volcan.
Jusqu’au 29 avril
À La Bordée
«Sachez seulement que cette histoire, je l’ai écrite le "corps" rempli de compassion pour nous, les humains. Je trouve tout simplement que nous sommes des petites bêtes attachantes. Nous avons tellement de talent», confie Reynald Robinson dans le programme de L’Hôtel des Horizons.
Chaque réplique témoigne de son empathie. Tout en simplicité, en non-dit qui couve sous les mots, son texte créé le 5 avril dans sa propre mise en scène révèle peu à peu les écorchures, la complexité de chacun des personnages. Comme s’ils laissaient tomber les voiles qui cachent leurs secrets, à la manière du rideau plein jour qui, sur scène, devant la fenêtre, cache et promet la mer à la fois, les personnages se livrent peu à peu, dans l’immobilité du soleil d’été, de la chaleur et du ciel.
Tout, dans cette pièce, est en quelque sorte souterrain, sous-marin. Des mots, des gestes laissent échapper les fumerolles du volcan. Et pourtant, la douleur se fait discrète; elle se cache chez ces personnages. Ils vivent malgré elle, ou plutôt avec elle.
Malgré la simplicité de la situation, Reynald Robinson fauche large, tout doucement, par des allusions: pauvreté et richesse, communisme, partage et don de soi, solitude et détresse muette, poids des apparences et désir d’être ailleurs.
Beaucoup de tendresse de l’auteur et metteur en scène pour les humains, et pour ses personnages sans prétention, tout simplement vivants. Et qui forcément en souffrent: «banalement», disait l’auteur en entrevue. «Les êtres qui ont vécu cette histoire, je les connais ou je les ai connus. Pour moi, ce sont des personnes. Mais comme ces personnes sont trop vastes et trop étranges pour être reproduites telles quelles sur scène, je les ai réinventées. […] Je n’ai conservé de ces précieux êtres humains que quelques petites choses: celles qui m’ont laissé des cicatrices.»
Ce texte très beau et profond, en effet, coupe un peu, écorche au passage. Il est porté par des artistes solides, qui lui font lage place. La mise en scène est sobre, la scénographie, dépouillée: un lit, une commode, une fenêtre et une porte, ouverte à l’inconnu. Les comédiens, Lise Castonguay, Pierre Gauvreau, Marie Gignac et Hugues Frenette, extrêmement sensibles et généreux, révèlent la vulnérabilité de leur personnage avec pudeur, retenue, et force.
L’Hôtel des Horizons, spectacle épuré, nous parle de nous; et, surtout en deuxième partie, laisse bien des choses dans l’ombre. Comme le fait la vie elle-même, qui ne résout jamais l’énigme que sont les êtres. Vibrant.