Comme des chaises / L'Homme assis : Drôle de couple
Scène

Comme des chaises / L’Homme assis : Drôle de couple

Le duo de pièces que Marie-Line Laplante crée à la suite l’une de l’autre, à Fred-Barry, ressemble à un couple dépareillé. Résultat prévisible: le divorce.

Le duo de pièces que Marie-Line Laplante crée successivement, à Fred-Barry, ressemble à un couple dépareillé. Résultat prévisible: le divorce. La production du Théâtre Complice évoque les programmes doubles de mon enfance, alors qu’un mauvais film précédait le plat de résistance. C’est un peu cette impression qu’on ressent devant ce spectacle assis entre deux chaises. En effet, il semble que l’auteure soit plus douée pour la comédie que pour sa contrepartie tragique…
Il y a pourtant un point commun aux deux pièces: la persistance d’un siège sur lequel les protagonistes attendent une révélation, qui arrivera en fin de spectacle. D’inspiration oedipienne, L’Homme assis est centré sur le sordide chef d’un réseau de contrebande d’alcool (Denis Lavalou, convaincant dans le genre) qui cherche à savoir lequel de ses complices a bien pu le trahir, et qui découvrira plutôt ce qu’il n’aurait pas voulu apprendre…
Tricotant sur un thème mille fois rabâché (la trahison dans un groupe de malfrats), la pièce impose une démonstration pesante et pénible, qui laisse attendre dans l’ennui son inéluctable et terrible conclusion, malgré quelques taches d’humour noir (en poussant, ç’a aurait pu être presque une parodie). Comme si, pour qu’il y ait tragédie, il fallait que ce soit sombre, lugubre, lent et lourd…
Ça n’arrange pas les choses que notre mafieux soit un phraseur, comme très conscient de la fatalité qui marque ses déclamations. Le théâtre de Marie-Line Laplante est d’abord axé sur le langage. Et si elle sait trousser de jolies phrases («La lumière pond un oeuf, et on appelle ça le jour»), l’ensemble apparaît inutilement verbeux, avec ses réitérations qui se veulent prophétiques. «Trop de mots, trop de phrases, trop de vacarme», comme dirait l’homme assis, dans une envolée quasiment autoparodique.
Aussi légère que la précédente était pesante, Comme des chaises lance ce qui pourrait être un clin d’oeil aux Chaises ou à d’autres oeuvres du théâtre dit de l’absurde. Revoilà Tuppe et Bibe, coule lunaire et dysfonctionnel, héros d’Une tache sur la lune (créée au Quat’Sous il y a trois ans) et des autres comédies de Marie-Line Laplante. Le duo attend. Non pas Godot, mais qu’un des fonctionnaires agités qui courent en tous sens veuille bien s’arrêter pour les renseigner: comment, s’il vous plaît, se rendre sur la lune où leur fils bien-aimé, dix ans – «et demi» -, a déménagé? Une attente futile…
Parsemée de détails amusants (le fonctionnaire littéralement poignardé dans le dos par un collègue), jouant habilement sur les lacunes, les pièges et les culs-de-sac de la communication, cette pochade doit beaucoup à la composition vive, fraîche et maîtrisée de Marie-Josée Gauthier, candide et délicieuse Tuppe. Mention aussi au gestionnaire satisfait de lui-même, rigoureusement campé par Michel Bérubé. Accompagnant cette plongé en Absurdie, la trame musicale bizarroïde de Chantale Laplante se prête beaucoup mieux à cette ambiance déjantée qu’à celle de L’Homme assis, où les segments sonores paraissaient gratuitement insolites.
Mais le texte finit pourtant par s’essouffler un peu, faute de jus sous les écarts de langage. Si la fantaisie convient manifestement mieux à l’écriture de Marie-Line Laplante, reste que, dans la comédie comme dans la tragédie, persiste l’impression d’avoir affaire, d’abord et avant tout, à des exercices d’écriture. À la fabrication d’univers artificiels.

Jusqu’au 29 avril
À la salle Fred-Barry

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