Critique : Les Femmes de bonne humeur
Scène

Critique : Les Femmes de bonne humeur

C’est carnaval à Venise: on se déguise, on joue des tours, on festoie. Et, incidemment, on tombe amoureux…
Dans cette pièce de Carlo Goldoni s’anime une galerie de personnages peu nuancés qui représentent les travers  humains.

C’est carnaval à Venise: on se déguise, on joue des tours, on festoie. Et, incidemment, on tombe amoureux…
Dans cette pièce de Carlo Goldoni s’anime une galerie de personnages peu nuancés qui représentent les travers humains. L’auteur tire ici les ficelles de l’avarice, la bêtise, l’hypocrisie, la veulerie et la roublardise pour livrer une comédie légère où se conjuguent méprises, secrets et mensonges.
Si elle ne se distingue pas toujours par la finesse de son comique, cette pièce fait rire en exploitant le ridicule des personnages, et en exposant leurs contradictions. Les femmes, par exemple, se plaignant sans cesse des hommes – bêtes et puérils, ou menteurs – se pâment dès que l’un d’entre eux daigne leur jeter un regard. Seul personnage échappant à la critique: Mariuccia (Nathalie Poiré), servante de Costanza (Sylvie Cantin). Fine, vive, moqueuse, elle ne se laisse berner par personne, et remet chacun à sa place. On pense ici aux soubrettes de Molière, Toinette en tête. Voilà la révolution opérée par Goldoni dans le théâtre italien de son époque: donner aux gens du peuple la parole, et critiquer avec verve les bourgeois. Si cette entreprise reste louable, surtout remise en contexte, la réflexion tourne court, malgré certaines allusions aux inégalités sociales, à la corruption et quelques échappées féministes.
Lorraine Côté signe une mise en scène précise et enjouée, qui puise notamment dans les ressources traditionnelles du comique et évoque parfois, par les poses des personnages, des gravures anciennes représentant les masques du carnaval. La metteure en scène peut aussi compter sur des comédiens incarnant avec rythme et couleur ces personnages. Si la distribution est excellente, retenons l’interprétation de Ginette Guay, dans le rôle de la tante âgée et célibataire rêvant toujours du prince charmant: elle reste jusqu’au bout d’une fraîcheur enthousiaste et naïve. En deuxième partie, le comique agité s’adoucit, et une atmsphère mariant sourire et mélancolie, liée à l’avancée de la soirée et à l’alcool, domine, et rachète par son dépouillement le jeu parfois un peu outré du début.
La scénographie de Monique Dion évoque différents lieux par le jeu de panneaux coulissants bleu-gris, représentant des arches. Les changements de décor à vue évoquent, tout comme les déguisements, le travestissement de tout en ce temps de carnaval. Comme le jeu, le décor et les éclairages, à mesure que tombe le soir et que s’embrument les esprits, s’épurent.
Les Femmes de bonne humeur amuse et plaît à l’oeil; à condition bien sûr de laisser ses préjugés à la porte, d’accepter d’entrer dans la fête et de ne pas s’attendre à un Shakespeare. Même si, comme celles du maître anglais, les observations de Goldoni sur l’humain demeurent, bien que plus humbles, très pertinentes.

Jusqu’au 6 mai
Au Grand Théâtre