Culpa : Quatuor insolite
Scène

Culpa : Quatuor insolite

Créée à l’Espace libre, dans le sillage d’Élyse III, par les productions MÉA, cette pièce d’Evelyne de la Chenelière offre un lointain cousinage avec le fameux Huis Clos de Sartre: quatre individus sont réunis, par les liens du hasard, dans l’antichambre d’un cabinet de  dentiste.

Comme l’indique on ne peut plus clairement son titre, Culpa joue sur cet état bien judéo-chrétien qu’est la culpabilité. Sentiment plus ou moins à la mode, à une époque infiniment plus consciente de ses droits que de ses responsabilités, mais bon… Il en restera toujours des traces, éducation oblige.
Créée à l’Espace libre, dans le sillage d’Élyse III, par les productions MÉA (!), cette courte pièce d’Evelyne de la Chenelière offre un lointain cousinage avec le fameux Huis Clos de Sartre: quatre individus sont réunis, par les liens du hasard, dans l’antichambre d’un cabinet de dentiste, gougounes de papier aux pieds. Après un événement non précisé, les voilà isolés chacun de leur côté, arrêtés pour une raison inconnue par une entité qu’ils ne voient pas et qui ne leur pose aucune question. Étrange.
Il y a là une dame très BCBG (Violette Chauveau) qui déblatère contre une mère théâtrale et délurée; un jeune don Juan (Miro) qui frime beaucoup; une prostituée nerveuse et bien intentionnée (Evelyne de la Chenelière); un enseignant (Paul Savoie) mou et craintif, qui croit avoir être victime d’un coup de ses élèves.
Devant le silence pesant de leur vis-à-vis anonyme et invisible, qui les renvoie à leurs propres obsessions, ils remplissent ce vide angoissant, donnent un visage à leur peur informe. Chaque membre du quatuor en viendra ainsi à déballer ses secrets, ses souvenirs marquants, ses fantasmes, ses regrets, et le poids qui pèse sur sa conscience. Comme s’ils se retrouvaient devant un Dieu intangible, qui les accuse tacitement… Le silence est peut-être bien le pire des tribunaux.
À la fois sombre et remplie de touches d’humour, cette pièce de l’auteure et comédienne de la Vieille Capitale Evelyne de la Chenelière (qui a raflé cette année le Masque du meilleur texte original pour Des fraises en janvier) met en exergue l’angoisse de personnages coupés des autres. La situation insolite, qui nous laisse sur notre appétit – ça tourne un peu court -, est surtut prétexte à les faire vivre, plutôt habilement. Souvent tissé de petites cruautés, Culpa plonge peu à peu dans les souffrances intimes des personnages, chaque monologue dérivant vers une confession de leurs manquements: ils se reprochent d’avoir laissé mourir un être cher, de l’avoir étouffé sous trop d’amour…
Outre Miro, qui donne un peu moins de consistance, de chair à un personnage qui est probablement, à sa décharge, le moins intéressant, ou le moins bien dessiné des quatre, ces êtres inquiets trouvent une convaincante incarnation sur scène. Paul Savoie fait montre, encore une fois, d’une sobre et humaine justesse. L’auteure apporte elle-même d’indéniables accents de vérité à sa prostituée candide et tremblotante.
Quant à l’inimitable Violette Chauveau, elle joue en virtuose, pour le plus grand plaisir du spectateur, de sa voix aux inflexions si singulières, où percent cette fois toutes les nuances du dédain, et de son étonnant phrasé, qui a l’art de souligner les mots-clés pour en extraire tout le jus comique ou absurde.
Au final, des personnages qui valent bien de veiller, sans remords, un peu tard…

Jusqu’au 22 avril
À l’Espace Libre

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