Un oeuf dans la cité : Raisonnement par l'absurde
Scène

Un oeuf dans la cité : Raisonnement par l’absurde

À la barre du Théâtre Repère depuis près de 20 ans, JACQUES LESSARD envisage Un oeuf dans la cité comme un renouveau. Après des mises en scène à l’extérieur, notamment à Montréal et en Allemagne, il renoue, au Périscope, avec la scène de  Québec.

Il y a quelques années, Jacques Lessard perdait un ami très cher; à la même époque, pour une raison difficile à comprendre, les subventions au Théâtre Repère étaient coupées. Dur coup pour lui, alors seul à la tête d’une compagnie qui a créé de nombreux spectacles, et fortement influencé le théâtre au Québec.
Après avoir incarné, premier rôle depuis plusieurs années, Monsieur de Sotenville dans George Dandin en février dernier, Jacques Lessard prépare Un oeuf dans la cité, dont il est auteur et metteur en scène. Ce «collage-création», réalisé à partir d’extraits de textes de Eugène Ionesco, sera créé le 25 avril.
Après la mise en scène de Jacques ou la soumission, L’avenir est dans les oeufs et Les Chaises, pièces de l’auteur français d’origine roumaine, Jacques Lessard retourne puiser à cette oeuvre qu’il connaît à fond. Sa création présente Bérenger, un écrivain nommé d’après le personnage cher à Ionesco qui, démoli par la critique, bloque sur la dernière scène d’une pièce qu’il doit terminer. C’est alors que l’inspiration lui souffle un autre texte, dans lequel il «règle des comptes», de façon bien amicale: avec la critique, les universitaires, le milieu du théâtre.
Avec Un oeuf dans la cité, inspiré de L’Impromptu de l’Alma de Ionesco, Lessard réfléchit en outre au phénomène de la création: «écouter ce qui patiente en désordre dans l’alphabet». Il salue du même coup le génie du chef de file du théâtre de l’absurde: «C’est un hommage. Ionesco, c’est mon auteur; depuis que je suis tout petit, je l’adore.»
Ce que le metteur en scène apprécie de l’oeuvre de Ionesco, c’est son alliage d’humour et de désespoir, porté par des images superbes. «Ionesco est extrêmement angoissé d’une part, mais regarde la vie avec beaucoup de bonne humeur. C’est ce mélange qui me plaît chez cet auteur-là: à la fois une poésie angoissée, et une bonne humeur cynique.»
Datant des années 50 et 60, l’oeuvre de Ionesco trouve un écho toujours percutant aujourd’hui, et semble inépuisable. «C’est un être tellement rich, et tellement contradictoire. Ce que j’adore de Ionesco, c’est qu’il n’est jamais amer ou méchant. Il reste toujours amusant, mêlant légèreté et profondeur, poésie, étonnement et quotidien.»
La pièce sera jouée à la petite Salle Bleue du Périscope, théâtre ouvert par le Repère. «C’est assez ironique», commente Jacques Lessard. Pourtant, aucune amertume chez l’artiste. Réfléchissant aux événements, il explique: «Ce revers m’a fait mettre mes valeurs d’artiste au bon endroit, et m’a permis de retrouver ce que je voulais vraiment: le plus important pour moi, c’est la création.»
Dans l’aventure, il s’associe à des artistes pour la plupart familiers avec l’univers de Ionesco: les comédiens Pierre-Yves Charbonneau, Thierry Dubé, Pierre-François Legendre, Ansie St-Martin et Ghislaine Vincent, les concepteurs Jean-Sébastien Côté, Valérie Gagnon Hamel et Vano Hotton. Sans subvention, le Repère travaille comme une troupe qui débute. «Je recommence comme on a commencé la première fois: avec peu de moyens.» Restent le bonheur de créer, et l’importance du jeu. «On a peu de choses: un bureau, une chaise, et cinq comédiens. Alors, on fignole le jeu!»
«J’ai eu de la peine, mais je regarde maintenant vers l’avenir, chargé de toute mon expérience, songe Jacques Lessard. Et le plaisir que j’ai à faire Un oeuf dans la cité, c’est irremplaçable.»

Du 25 avril au 7 mai
Au Théâtre Périscope
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