White Trash : La famille stone
Scène

White Trash : La famille stone

La misère humaine peut faire un bon show et ça, Stéphane Saint-Jean l’a compris. Le jeune auteur a choisi de mettre en scène un fait divers fictif et pourtant tristement vraisemblable, vécu par une famille «poquée» du Nord de la  province.

La misère humaine peut faire un bon show et ça, Stéphane Saint-Jean l’a compris. Le jeune auteur a choisi de mettre en scène un fait divers fictif et pourtant tristement vraisemblable, vécu par une famille «poquée» du Nord de la province. Première création du Théâtre de la Névrose, White Trash pourrait facilement être du «théâtre inspiré d’un fait réel», tant l’horreur véhiculée par ce drame familial rappelle celle qui tapisse les tabloïds. Bien que parfois maladroite, cette incursion dans le quotidien d’écorchés vifs a le mérite de secouer le spectateur…

Établie sur une terre de roches envahie par des épinettes noires «plantées comme des couteaux», la cellule de «tu-seuls» mise en scène à l’Espace Geordie est constituée de femmes aux ailes coupées (Louise Cardinal, Gabrielle Robichaud), d’hommes-guenilles (Marc F. Dumesnil, Vincent Giroux) et d’enfants-éponges gorgés de violence (Julie Tremblay Sauvé, Karine St-Arnaud, Catherine Archambault). Avachis dans leur salon, le père, la mère, l’aînée, son chum, les jumelles et le petit dernier vomissent tour à tour, et parfois en choeur, leur vie de minus, tandis que les autres contemplent béatement la télé.

D’entrée de jeu, le spectateur est plongé dans un bain de sang. Pourquoi ces êtres se sont-ils enlevé la vie? Il y aura des mots, beaucoup de mots (maux?), pour expliquer le carnage qui a barbouillé d’hémoglobine leurs pyjamas.

Dans l’ensemble, la distribution s’en sort bien, même si les êtres mis en scène manquent de raffinement et frôlent parfois le cliché. En angélique bambin, «tapette sur les bords», Catherine Archambault offre une prestation étonnante. Avec sa candeur, sa bonté et son imagination fertile, son «petit ange bleu» a une complexité réjouissante, perceptible dès le premier monologue sur son père imaginaire, roi du «pays brun» où tombe une neige soyeuse.

Stéphane Saint-Jean aurait-il gagné à confier la mise en scène de son texte à quelqu’un d’autre? Son White Trash manque de fluidité. Les projecteurs qui s’éteignent et s’allument entre les monologues, au son d’un musique tonitruante, brisent le rythme de la pièce, et la répétition de certaines phrases par les sept comédiens devient vite lassante. Malgré ces maladresses scéniques, et un penchant marqué pour les répliques moralisatrices, on retiendra de cette création qu’elle révèle un auteur empli d’une douce violence. L’univers qu’il dépeint rappelle étrangement celui d’À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, de Michel Tremblay, avec dénouement tragique à la clef. White Trash est un monstre à sept têtes abominablement réaliste, qui ne fait pas dans la nuance. Âmes sensibles, s’abstenir..

jusqu’au 22 avril
À l’Espace Geordie