Happy : Joyeux calvaire
Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, Happy n’est pas une pièce joyeuse. Dans ce spectacle de marionnettes pour adultes, il est question de deuil, de vieillesse, de solitude et de démence. Il s’agit tout de même d’un délice pour les yeux et d’un baume pour l’âme…
Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, Happy n’est pas une pièce joyeuse. Dans ce spectacle de marionnettes pour adultes, il est question de deuil, de vieillesse, de solitude et de démence. Une jeune femme s’y suicide; un couple baise sur un plancher; et un vieillard décharné livre une tirade, complètement nu sur le bord d’un bain! Au total, une dizaine de personnages y luttent contre des souvenirs qui menacent de les étouffer. Ronnie Burkett, le créateur de Happy, écrit dans le programme de sa pièce que le bonheur est le résultat d’une constante bataille contre le désespoir. Ses marionnettes écorchées par la vie en sont la preuve…
Cette création est le dernier volet d’une trilogie amorcée avec Tinka’s New Dress, présentée à l’Usine C, l’an dernier. Rodée à Toronto, la pièce met en scène les résidents d’une maison de chambres, dont la plupart sont au crépuscule de leur existence. Les marionnettes confectionnées par Burkett sont magnifiques, et il les manipule avec talent et humour. Ses p’tits vieux marchent comme des p’tits vieux, parlent comme des p’tits vieux et ont même des pantalons de pépé, avec une taille leur arrive sous les bras!
Parmi les personnages les plus savoureux de Happy, mentionnons Ricky, le coiffeur aux airs de diva qui se prétend portoricain jusqu’à ce que surgisse sa mère, une minuscule Chinoise qui veut à tout prix le convaincre de revenir travailler dans leur dépanneur de Moose Jaw , ainsi que Raymond, le vieux garçon à espadrilles trop grandes, amoureux depuis toujours de Lucille, une chipie à la voix éraillée qui fume clope sur clope.
Ronnie Burkett se démène sur scène avec le sérieux d’un enfant qui joue, manipulant à vue ses marionnettes cabotines avec une grande dextérité. L’Albertain aux allures de Peter Pan prête sa voix aux êtres qu’il anime, et réussit à faire basculer sa pièce du ludique dans le tragique grâce à l’émotion qu’il y met.
Happy se déroule autour d’un meuble de bois massif, dont un côt est utilisé pour représenter la maison de chambres, et l’autre, le Cabaret de la tristesse, un endroit lugubre animé par le maître de cérémonie Antoine Marionnette, situé quelque part entre la vie et la mort. Cette installation est complétée par des éclairages qui colorent l’espace.
Délice pour les yeux et baume pour l’âme, ce spectacle irrévérencieux, porté par des marionnettes confectionnées avec minutie, contient toutefois quelques (rares) répliques qui frôlent la pop-psycho, du genre «le bonheur est un arc-en-ciel et pour le voir, il faut accepter de traverser la pluie», mais qui s’en plaindrait? C’est à notre coeur d’enfant que s’adresse cette magnifique fable sur l’état d’aliénation dans lequel peut nous maintenir le passé. Malgré un finale qui gagnerait à être plus ramassé, Happy est une oeuvre sur la mémoire difficile à oublier…
Jusqu’au 13 mai, à 20 h
À l’ Usine C
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