Jean-Pierre Ronfard – Les Mots : Mordre à la leçon
Ils prêtent une forme et des sons aux pensées et aux émotions; on peut jouer, rêver avec eux, convaincre. JEAN-PIERRE RONFARD, avec ses camarades du Nouveau Théâtre Expérimental, leur fait fête, dans Les Mots.
«Tout a commencé de façon un peu inconsciente», raconte Jean-Pierre Ronfard au sujet des «études théâtrales», série dans laquelle s’inscrit la pièce Les Mots. Cette idée «vient des origines de la compagnie qui se réclamait, avec pompe et en rigolant, de l’Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard. Rien que ça!… Nous voulions créer des "objets théâtraux" – pas des spectacles! – qui étudieraient les composantes de la représentation théâtrale…» se rappelle le directeur artistique.
Après des spectacles consacrés aux objets – «on raconte une histoire à partir d’objets, sans comédiens» -, à la voix – «comment se fait-il que certaines voix nous touchent plus que d’autres?» -, à la lumière – «anecdote amusante: on a monté Lumière au moment du verglas…» -, ce sont les mots qui deviennent objet d’étude, et sujet d’une pièce.
«Que sont les mots? Pas la phrase, pas la parole: les mots?» De cette interrogation est né un spectacle d’une grande simplicité, conçu par deux amoureux des mots, Jean-Pierre Ronfard et Sylvie Daigle, graphiste de la compagnie. «Au fond, on aurait pu écrire un article théorique; mais pour nous, gens de théâtre, c’est plus intéressant de créer une scène», réfléchit Ronfard, également auteur et metteur en scène de la pièce.
Les Mots est une pièce «délibérément didactique», confie-t-il, jusque dans l’affabulation et la facture du spectacle. L’environnement scénique représente une salle de classe: pupitres, tribune, tableau noir. «Aucun artifice théâtral», précise Ronfard, si ce n’est du bouquet de mots calligraphiés sur les murs et plancher par Sylvie Daigle, qui a conçu l’environnement visuel. Dans cet espace, les spectateurs se mêlent aux acteurs à l’occasion… d’une dictée. À cet exercice s’enchaînent, avec poésie et humour, dérapages et exposés du professeur passionné de mots, incarné par Ronfard lui-même, et tableaux joués par ses complices – Martin Dion, Emmanuelle Jimenez, Danièle Panneton, Marie-Josée Picard, Macel Pomerlo -, élèves dispersés dans la «classe».
Après deux séries de représentations à Montréal, le succès de la pièce ne s’est pas démenti, et précède la venue du spectacle au Carrefour international de théâtre de Québec. «\C’est quand même une surprise de voir que le public aime autant. Avouons que le cadre est tout de même… désespérant!», ajoute Ronfard en riant. «Mais on prend plaisir à apprendre. Et la vérité, c’est que nous aimons les mots. Que nous parvenions à traduire cette passion, ça touche les gens.»
Inquiet du traitement souvent infligé à notre langue, le «professeur» Ronfard? «L’inquiétude, je laisse ça à d’autres: ce n’est pas mon genre, réplique-t-il. En revanche, je ressens une véritable rage contre les gens qui ne veulent pas apprendre, qui emploient mal les mots.» Quels devoirs et leçons suggère-t-il pour y remédier? «Une langue, ça doit s’apprendre, affirme Jean-Pierre Ronfard. Très simplement, par la fréquentation du dictionnaire, par exemple. On devrait tous abîmer un dictionnaire, au point d’en changer, tous les deux ans…» Et peut-être, de temps en temps… faire une petite dictée?
Du 11 au 15 mai
À la bibliothèque Gabrielle-Roy
Voir calendrier Événements