Ce n'est pas de la manière… : Double langage
Scène

Ce n’est pas de la manière… : Double langage

WAJDI MOUAWAD, acteur, auteur et metteur en scène, maîtrise la parole; ESTELLE CLARETON, danseuse et chorégraphe, s’exprime par le geste. Leur création Ce n’est pas de la manière qu’on se l’imagine que Claude et Jacqueline se sont rencontrés illustre l’union de leur deux univers.

À l’origine du projet, une rencontre artistique à l’occasion de la pièce Rêves de Wajdi Mouawad, dans laquelle dansait Estelle Clareton. Puis, «l’envie de travailler ensemble et de confronter nos façons de faire: pour le plaisir du risque, la folie du risque», explique Mouawad.
D’emblée, cette exploration a pris une forme intime, répondant au désir du tandem de «faire quelque chose de tout petit», sans recours à la technologie, «pour le plaisir de créer, de retrouver le nécessaire». Travaillant pratiquement à huis clos, les artistes, à la fois concepteurs et interprètes, créeront au Carrefour international de théâtre leur spectacle très attendu, et un peu mystérieux.
Le thème? Le deuil: la perte d’une mère, d’un père, inspirée de l’expérience réelle des deux créateurs. Afin «d’exorciser» la peine, confie la danseuse, tous deux ressentaient le besoin de «transformer cette peine-là en objet: pour l’assumer, et comme façon de ne pas oublier».
De ce «tissage entre deux imaginaires» est né un spectacle où les deux artistes rendent hommage aux chers disparus, en racontant leur histoire. Cette mère libanaise, ce père français ont plus en commun qu’il n’y paraît au premier abord. Et c’est au-delà de nombreuses différences culturelles que (…) Claude et Jacqueline se sont rencontrés.
Ils sont les «personnages» de ce spectacle qui les garde vivants, dans un lieu imaginaire où ils se rencontrent, et où ils s’adressent à leur fils et fille. Par la poésie du geste, la tendresse, l’humour, les deux créateurs aspirent à dépasser l’anecdote personnelle, la confidence. Puisant dans leur expérience, ils espèrent rejoindre, en images et en mots, l’universel.
«Parole verbale et parole du corps s’allient, explique Estelle Clareton, pour dessiner le trajet des personnages», une forme de vocabulaire suppléant, de façon intuitive, à l’autre, la complétant. Le spectacle «crée le lien entre le monde du texte et le monde de la danse, par des paroles et des petits bouts de danse, très proches des mos», ajoute-t-elle.
Au même titre que la parole, le mouvement fait partie de la syntaxe du spectacle et remplit une fonction dramaturgique. «La danse devient un cadeau que les morts font aux vivants, et que les vivants font aux morts; la danse est aussi le lieu du cadeau, de l’hommage, du remerciement», confie Wajdi Mouawad.
Cette exploration marquera, à coup sûr, le trajet des deux artistes, au terme de ce travail de confiance et de découverte. Estelle Clareton y trouve la confirmation d’une impulsion de plus en plus présente dans son travail, et l’affirmation de sa vision, déjà théâtrale, de la danse: «Je veux me défaire des mots, donner plus de place au langage gestuel.» Wajdi Mouawad, quant à lui, ressent l’envie, dans ses prochains spectacles, de «laisser encore plus de place à la mise en scène: d’explorer ce qu’il y a quand on ne dit plus rien».
Réflexion sur son propre travail, cette aventure de création est aussi rencontre de l’autre. «L’autre devient une porte d’entrée vers quelque chose qu’on ne connaît pas; des idées, des images émergent alors», explique Wajdi Mouawad.
Ce n’est pas de la manière qu’on se l’imagine que Claude et Jacqueline se sont rencontrés est la rencontre de deux artistes, qui peint une autre rencontre: celle du présent et du souvenir vivace.y

Du 18 au 22 mai
À La Bordée
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