Ellen DeGeneres : La philosophie selon Ellen
Scène

Ellen DeGeneres : La philosophie selon Ellen

Pendant plus de soixante minutes, Ellen DeGeneres a livré un humour simple, brillant et imaginatif. Un comique prenant sa source dans l’observation des habitudes de la nature humaine qui, elle, n’est pas toujours… gaie.

Dès les premières minutes de son one woman show, jeudi dernier à la Place des Arts, la comédienne Ellen DeGeneres a mis cartes sur table: «En passant, je suis lesbienne. Toutefois, ne comptez pas sur moi pour vous parler de mon orientation sexuelle toute la soirée. Je ne dirai pas un mot sur ce sujet. Pas un mot, sauf peut-être… quelques gestes!» Sur ce, l’humoriste américaine interprète une courte chorégraphie résumant ce qu’elle a vécu depuis sa (très largement médiatisée) sortie du placard, en mai 1997!
Les gens qui s’attendaient à un show pro-gais ou encore à une séance de règlements de comptes avec la droite morale américaine auront été déçus. Par contre, les amateurs d’humour fin et intelligent ont été ravis. Car ils ont pu voir une des meilleures artistes de stand-up comic en Amérique du Nord (dans la lignée des Jerry Seinfeld et Robin Williams), qui remontait sur scène après sept ans d’absence.
Pendant plus de soixante minutes, Ellen DeGeneres a livré un humour simple, brillant et imaginatif. Un comique prenant sa source dans l’observation des habitudes de la nature humaine qui, elle, n’est pas toujours… gaie. Sans décor ni éclairages, avec pour uniques accessoires un micro et une bouteille d’eau, Ellen DeGeneres a donné une magnifique leçon de stand-up pur.
Son spectacle solo, qui fait actuellement l’objet d’une tournée de 43 villes nord-américaines, met grandement à profit le charisme, la précision et le sens de la répartie de la vedette de la défunte sitcom Ellen sur le réseau ABC. Les textes, rigoureusement écrits, abordent divers sujets, ancrés dans le quotidien. Entre les lignes, sans jamais appuyer sur le message, ces numéros exposent le versant absurde de l’américanité: le vide existentiel qui est devenu l’épée de Damoclès au-dessus de la tête du surconsommateur.
Par exemple, cette résidante de Los Angeles, qui découvre la paix intérieure mais ne change aucunement son comportement extérieur, finira par provoquer une émeute dans un supermarch. Au pays où les citoyens poursuivent les entreprises qui omettent d’indiquer «Ce contenu est chaud» sur les couvercles à café, la comédienne ironise sur les travers du marketing. Pourquoi les compagnies de shampoing inscrivent-elles toujours le mode d’emploi sur les bouteilles avec un numéro 1 800 au cas où ces indications seraient insuffisantes? «Non, vous NE devez PAS en appliquer sur les yeux… Merci d’avoir appelé Revlon!» Et même Dieu – que DeGeneres imagine comme une belle femme noire dans la quarantaine habitant une villa pleine de lumière à Malibu – parlera de la nouvelle coupe de cheveux de Gloria Estefan (un running gag) pour éviter les considérations métaphysiques…
Ellen DeGeneres ironise sur les peurs, les phobies, les angoisses et les crises existentielles de l’homme et de la femme à l’ère de Blockbuster et de la cyberdépendance. Certains diront que ses préoccupations sont trop américaines, voire californiennes. Certes. Mais tout comme Guy Bedos traite de sujets très français et qu’Yvon Deschamps, touche à des thèmes québécois.
Après son spectacle, la comédienne a tenu une conférence impromptue. Elle a invité les spectateurs et les spectatrices à lui poser des questions. Elle s’est prêtée au jeu avec simplicité et respect, répondant à toutes sortes de choses: Veut-elle avoir des enfants avec sa blonde, l’actrice Anne Heche? «Non, j’aime mieux m’occuper des enfants des autres.» La reverra-t-on un jour à la télé? «J’attends la réponse d’un diffuseur pour un pilote qui s’inspire du Carol Burnett Show, une de mes humoristes préférées.»
C’était le tout premier spectacle d’Ellen DeGeneres à Montréal. À en juger par la réaction du public de la salle Wilfrid-Pelletier (pas vraiment le lieu idéal pour ce genre de show), l’humoriste reviendra sûrement en ville. Au Festival Juste pour rire, par exemple, qui coproduisait le spectacle avec Rubin Fogel. Le clan Rozon devrait l’inviter à l’un des galas Just for Laughs, cet été, ou la présenter dans une série anglophone. Le publi québécois pourrait ainsi (re)découvrir cette grande dame de la comédie made in America.