Un mois à la campagne : La maison des amours
Scène

Un mois à la campagne : La maison des amours

Tourgueniev est «l’auteur qui parle le mieux [des] maux de tête» du metteur en scène français YVES BEAUNESNE. L’homme de théâtre s’est donc proposé de mettre à jour l’une des pièces de l’auteur russe, Un mois à la campagne.

Un mois à la campagne, c’est le pouls de quelques jours passés dans la demeure des Islaïev, en Russie, au milieu du XIXe siècle. Une tranche de vie prenant place dans les grands espaces, mais qui a cours dans un univers intérieur qui, lui, est restreint. Une espèce de valse-hésitation amoureuse qui n’épargne personne, à commencer par la maîtresse de maison, Natalia Petrovna, amoureuse du jeune domestique de la maison, lui-même l’objet de l’amour de la jeune pupille de Petrovna, Verotchka, qui, pour sa part, est courtisée par un homme beaucoup plus vieux qu’elle. Une demi-douzaine de coeurs en chômage qui nourrissent tous l’espoir d’un amour impossible. Une espèce d’état de crise du quotidien qui, s’il ne connaît pas de conclusion définitive, n’en est pas moins gage de l’évolution psychologique des personnages: «Après la tension, il y a toujours une catharsis chez Tourgueniev, une libération, fait noter Yves Beaunesne. C’est le contraire du feuilleton ou du journal télévisé qui inscrit une dépendance, qui dit: "Restez branché, la suite bientôt…"»
Écrite en 1850, Un mois à la campagne n’a rapporté à Tourgueniev que peu de succès et beaucoup d’ennuis politiques, l’emprisonnement même. Victime de la censure, elle a connu maints remaniements visant à satisfaire ses censeurs, toujours en vain. La pièce est finalement publiée en 1869, alors que Tourgueniev abandonne définitivement le théâtre. Son legs est une longue pièce en cinq actes, imparfaite, en laquelle il juge bon d’opérer maintes coupures. C’est à cette tâche d’adaptation et de traduction nouvelle que s’est prêté Yves Beaunesne, avec la complicité de Judith Depaule, plus de 100 ans plus tard. Deux actes ont ainsi été supprimés, quelques personnages aussi. «Tant que l’on n’a pas le sentiment d’avoir trahi, je crois que l’on n’est pas allé suffisamment loin, indique le metteur en scène. Je m’étais dit que si je n’arrivais pas à dire ce que je voulais dire en deux heures, je n’y arriverais pas en quatre heures. Il fallait donner le coeur mme de l’histoire.»
Visiblement, Beaunesne a gagné son pari, tant sur le plan critique que sur le plan esthétique. Son entreprise de dépoussiérage met à jour l’universalité et l’actualité indémodable de Tourgueniev, l’un des aspects qui l’intéressait le plus: «Pour moi le théâtre est un conflit entre l’élégance et la mode, la mode étant le chemin de la soumission et l’élégance, celui de l’arrogance, explique-t-il. Je pense que je suis sensible à cette élégance, qui est une manière d’insuffler de la légèreté dans la vie et je crois que c’est la seule manière d’arriver à vivre ensemble à plusieurs. Tout ce que Tourgueniev raconte me rejoint en ce sens.»
Créée en France, en 1995, par la Compagnie des petites heures, cette adaptation a tourné durant trois ans et connaît maintenant une seconde vie, avec la même équipe, à une comédienne près. Forte de ses cinq années, cette nouvelle incarnation devrait nous faire voir, selon Beaunesne, des comédiens qui vont davantage à l’essentiel. L’intensité qui se dégage du petit monde de Tourgueniev ne devrait que mieux s’en porter.

Du 19 au 21 mai
Au Grand Théâtre
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