Le Petit de la chèvre : L'art qui fait Boom
Scène

Le Petit de la chèvre : L’art qui fait Boom

Par son approche exigeante, où priment l’intelligence et l’imagination passées au filtre d’une simplicité trompeuse, le théâtre de cette troupe séduit, étonne, émeut et instruit sans  didactisme.

Les amateurs de théâtre jeune public se réjouiront, avec raison: à compter du 1er juin, et pour trois représentations seulement, la sixième édition du festival Les Coups de théâtre ramène à Montréal la compagnie hollandaise Stella den Haag, de La Haye, qui présentera son plus récent spectacle, Le Petit de la chèvre. C’est la troisième fois que Rémi Boucher, fondateur et directeur artistique du festival, invite la compagnie dirigée par le génial metteur en scène Hans van den Boom à se produire chez nous. Ceux qui avaient vu les spectacles Tempête et Venise – gagnants du Z’Bing d’ Or en 1996 – et Tome 3, les volets d’une trilogie mettant en vedette les personnages de Paule et Tom, ne voudront certes pas manquer celui-ci.

Par son approche exigeante, où priment l’intelligence et l’imagination passées au filtre d’une simplicité trompeuse, le théâtre de cette troupe séduit, étonne, émeut et instruit sans didactisme. Par les interactions entre les comédiens, magnifiques, et un écran vidéo qui jouait un rôle-clef dans le déroulement de l’action, faisant apparaître ici un personnage avec qui on peut dialoguer, là un paysage dans lequel on peut entrer, et bien d’autres choses encore, les précédents spectacles se démarquaient de la plupart des tentatives, pas toujours heureuses il faut le dire, d’intégration de la télévision au théâtre. Mais surtout, les contes oniriques qu’ils narraient nous entraînaient dans des voyages où, enfants et adultes sans distinction, nous passions par toute la gamme des émotions, tantôt riant aux larmes, tantôt tremblant pour le petit garçon, Tom, dont les aventures étaient souvent terrifiantes. Il fallait voir à la fin de la représentation les visages des petits et des grands, éclairés par la beauté d’un art proche de la perfection, qui n’existe pas, comme chacun sait.

«Après cette trilogie, on avait terminé un cycle, c’était parfait», raconte le grand manitou du festival, Rémi Boucher. «Puis j’ai vu leur dernière création, poursuit-il, et j’ai pensé qu’on ne pouvait pas passer à côté de ça. Parce que ça ouvre des perspectives nouvelles; c’est d’abord un travail sur les textes, avec acteurs, et c’est vraiment une direction d’acteurs exceptionnelle. Je pense que le travail de la compagnie se démarque par le fait que ce soit un metteur en scène, Hans van den Boom, assure également l’écriture des textes, ou l’adaptation quand il monte un Shakespeare, par exemple, quelqu’un qui est capable à la fois d’écrire et de mettre en scène. Le fait que sa compagnie soit composée d’acteurs ajoute une intensité et une clarté impressionnantes à ses spectacles. Et c’est quelqu’un qui accomplit aussi un travail important sur la musique; avoir tout ça réuni en une seule personne, c’est assez rare.»

Le spectacle Le Petit de la chèvre, qui en Europe s’intitule Le Gosse de la chèvre, raconte les peurs et les angoisses d’un petit garçon sans père, dont la mère s’est fait un nouvel amant. Dans un décor très dépouillé – une cheminée, une horloge et une porte désignant la salle de séjour de la maison de Denis et de sa mère Mathilde -, l’enfant se barricade avec ses amis Luc et Lonneke, pour tenter de repousser le malheur qui apparaît sous les traits d’un homme aux pieds nus. L’imagination des enfants s’emballe, leur univers bascule et voilà que le marécage aux sables mouvants derrière la maison les attire irrésistiblement.

«Dans ce spectacle, Hans van den Boom joue beaucoup avec les symboles, explique Rémi Boucher; il reprend les stéréotypes des contes de fées et les transpose dans un univers actuel. C’est un spectacle qui se situe toujours sur la frontière de l’onirisme et du réalisme: on parle de choses concrètes, le jeu est concret, mais en même temps on fait appel à des images symboliques, on verse dans l’imaginaire, dans l’allégorie, et tout ça toujours ramené pour que ce soit intelligible pour un public mixte d’enfants et d’adultes, où chacun prendra quelque chose selon ce qu’il est. Et ça, c’est une grande force. Il n’y a aucun compromis, on sent que le metteur en scène ne fera aucune concession sur sa démarche de création.»

La compagnie Stella den Haag existe depuis 1990 et est très active en Europe et partout dans le monde. Plusieurs de ses spectacles ont reçu des prix. Après avoir fondé et dirigé deux autres compagnies de théâtre, son directeur artistique, âgé de 49 ans, fut invité par la ville de La Haye à créer ce centre de théâtre pour la jeunesse, qui a produit une douzaine de spectacles écrits et mis en scène par lui-même. Avec Hans van den Boom, musique, poésie, magie du conte et émotion sont toujours au rendez-vous. On pourra le constater une fois de plus avec Le Petit de la chèvre.

Les 1er, 2 et 3 juin
Au Théâtre Prospéro

Info-festival: (514) 499-2929 ou www.coupsdetheatre.com