L’Oeil de Rosinna : Second regard
Création sans mots pour une comédienne et une marionnette, L’Oeil de Rosinna est, expliquent-ils, «le résultat d’une recherche où le corps s’est fondu à l’objet pour créer une forme originale, une poésie de la matière».
La prémisse de L’Oil de Rosinna n’est pas banale: les fondateurs du Théâtre Incliné, José Babin et Alain Lavallée, ont demandé à un auteur (Larry Tremblay) d’écrire, à leur intention, une nouvelle littéraire à partir de deux accessoires, pour ensuite transformer ce texte en oeuvre dramatique… sans paroles! Création sans mots pour une comédienne et une marionnette, L’Oil de Rosinna est, expliquent-ils, «le résultat d’une recherche où le corps s’est fondu à l’objet pour créer une forme originale, une poésie de la matière».
La courte création interprétée par Catherine Trudeau, ainsi que par la marionnettiste José Babin et le «joueur d’ombres» Alain Lavallée, oscille entre la fantaisie (l’univers de la jeune artiste qu’interprète Trudeau) et l’hyperréalisme (la détresse de la vieille Madame Taillefer), en brossant un portrait à la fois tendre et cruel des sentiments et frayeurs que la vieillesse peut inspirer à une apprentie cinéaste de 20 ans.
Avec ses moues et ses battements de cils de starlette, Catherine Trudeau – qui incarnait l’an dernier, dans Code 99, une jeune femme hyperactive aux côtés des autres finissants du Conservatoire d’art dramatique – apporte de la fraîcheur à un personnage dessiné à gros traits et peu abouti, dont on sait bien peu de choses, sinon qu’elle «tripe» cinéma et s’amuse à découper aux ciseaux la pellicule des films pour en modifier le dénouement.
Acceptée dans une école de cinéma, Rosinna se creuse les méninges pour trouver un sujet de film. En pleine canicule, elle répond à l’offre d’emploi d’une vieille dame à la recherche d’une aide domestique. Incontinente, crasseuse et folle de son vieux chien, la chipie en fait voir de toutes les couleurs à Rosinna, qui, chaque soir, prie Dieu à genoux devant son réfrigérateur ouvert…
Avec ses yeux baignés d’eau, son corps plissé et ses main tremblotantes, la grande marionnette que manie à vue José Babin fait une vieillarde touchante, dont le visage ressemble étrangement à celui de sa manipulatrice. La poupée n’a cependant pas la perfection, ni la finesse, des magnifiques marionnettes du troisième âge qu’animait tout récemment Ronnie Burkett, à l’Usine C, dans le brillant Happy.
En fait, ce charmant spectacle disposant de peu de moyens, mis en scène par José Babin, agace par son côté pédagogique – ça sent la leçon de vie pour ados, du genre «il faut s’occuper des personnes âgées» – et dégage une grande naïveté. Il faut dire que cette petite chronique d’un été trop chaud, portée par une musique de Silvy Grenier, s’essouffle en cours de route, et que notre intérêt s’émousse à mesure qu’approche un dénouement sans surprises. Dommage. Les artisans de cette création auront tout de même le mérite d’avoir mené à terme une audacieuse expérience de «théâtre muet»…
Les 25 et 26 mai à 20 h
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui