Peggy Baker : Dame de coeur
Scène

Peggy Baker : Dame de coeur

À la demande de la danseuse, Paul-André Fortier lui a créé un solo d’une heure. Loin, très loin comporte plusieurs images puissantes, souvent d’une beauté touchante. L’introduction à elle seule vaut le déplacement.

L’Agora de la danse présente la rencontre exceptionnelle de deux cultures en danse, de deux artistes au faîte de leur maturité professionnelle. Avec le spectacle Loin, très loin, le chorégraphe Paul-André Fortier et la danseuse Peggy Baker livrent une oeuvre inclassable, dont la principale force relève de la diversité de ton et de style.

Avec Ginette Laurin, Édouard Lock, Marie Chouinard et Jean-Pierre Perreault, Paul-André Fortier a contribué à l’effervescence de la danse québécoise. Formée aux techniques Limon et Graham, Peggy Baker a dansé pour le New-Yorkais Lar Lubovitch. Considérée comme l’une des grandes danseuses canadiennes, elle mène depuis dix ans une carrière de danseuse soliste.

À la demande de la danseuse, Paul-André Fortier lui a créé un solo d’une heure. Loin, très loin comporte plusieurs images puissantes, souvent d’une beauté touchante. L’introduction à elle seule vaut le déplacement. Au son d’une guitare électrique, l’artiste exécute, en courant, de larges cercles sous une pénombre bleutée. Puis, c’est le silence. Peggy Baker se met alors à jouer avec les mains et les pieds. Discrètement, le rythme de la guitare revient en écho surprendre ses mouvements.

Ces séquences résument bien la dualité du travail de Fortier: la légèreté côtoie la gravité, avec, en arrière-plan, un esthétisme recherché. L’éclairagiste Marc Parent a érigé des colonnes de lumière qui vont d’un bleu acier à un rouge sombre, en passant par le jaune doré. Pareille à la chorégraphie, la musique du compositeur Gaétan Leboeuf change régulièrement de teintes mais reste toujours de circonstance. Elle semble donner la réplique à la danseuse. Tantôt, c’est un rock en sourdine. Tantôt, un air de jazz léger. Sans elle, la danse de Fortier semblerait parfois austère. Cette audacieuse trame musicale nous change des airs archi-contemporains qui accompagnent habituellement la nouvelle danse.

La danseuse tire admirablement sa carte du jeu. Peggy Baker passe d’un registre à un autre avec une dextérité remarquable et une grande générosité. Elle apparaît tour à tour gamine, guerrière, vulnérable et, surtout, profondément humaine. À 46 ans, son corps athlétique fait rougir les plus jeunes. Vêtue d’une longue robe diaphane, elle accomplit des gestes complexes avec une facilité déconcertante.

Malgré tout, on se surprend parfois à regarder sa montre. Ce réflexe ne dure jamais longtemps et il est compréhensible. Rares sont les solos d’une heure qui parviennent à tenir le spectateur en haleine. Voilà une formule exigeante tant pour la danseuse, qui porte une bonne partie du succès sur ses épaules, que pour le spectateur. Cela dit, ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à la rencontre de deux maîtres de la danse contemporaine. Avec Loin, très loin, Paul-André Fortier et Peggy Baker nous démontrent leur grande capacité à nous surprendre, à nous bouleverser. Ce serait trop bête de bouder un tel plaisir.

Jusqu’au 27 mai
À l’Agora de la danse
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