La Révolution par le bruit : Sous les pavés, la scène
Le collectif Comme Larrons en foire présente une première production autogérée, La Révolution par le bruit. Un «essai théâtral» utopiste et pataphysique, avec des références à la globalisation.
Lundi matin, à l’heure où les banlieusards déferlent en ville, pare-chocs à pare-chocs, six loustics à l’allure de paysans s’agitaient sur le trottoir du pont Jacques-Cartier. Une manifestation d’agriculteurs mécontents? Plutôt un genre de théâtre de rue, une idée originale de Comme Larrons en foire, un «collectif d’interventions radiophoniques et de performances urbaines»: divertir les automobilistes en faisant la promotion de leur spectacle, La Révolution par le bruit. Et du bruit, ils en ont fait un peu…
Bien organisés, avec leurs cellulaires et leur liste de médias radiophoniques à contacter, jouant sur la concurrence pour susciter l’intérêt, ils ont attiré l’attention d’au moins trois stations. Et si les médias, refusant de se faire manipuler jusqu’au bout, n’ont finalement pas mentionné le spectacle, la bande a tout de même reçu la visite de cinq véhicules d’agents de la Sûreté du Québec, qui l’ont félicitée pour son coup d’éclat…
Pas si mal pour le lancement d’une première production autogérée, un «essai théâtral radiodiffusé» à CIBL et coprésenté par le théâtre Les Deux Mondes.
Fan avoué d’Alfred Jarry, Éric Provencher, directeur général du collectif, a écrit une épopée utopiste à la sauce pataphysique, avec des références à la globalisation. Un monde absurde où des paysans affamés tentent de renverser la dictature de la mégalopole en faisant la révolution par le bruit… «J’aime les grandes fresques, explique-t-il. Aujourd’hui, on n’écrit plus comme ça. Individuellement, on n’a plus d’ampleur, de rêves. Cette projection-là, qui fait qu’on reconstruit le monde comme on veut, c’est possible au théâtre et à la radio.»
Homme de radio, passionné de création sonore, l’auteur destinait son premier texte au radio-théâtre. Étudiant à l’Option-Théâtre de Lionel-Groulx, le metteur en scène et directeur artistique, Alexis Bergeron, a rajouté une dimension visuelle à l’enveloppant environnement sonore composé par Claude Dion et par l’inclassable trio FetsWesFest.
«Je me suis donné le défi de faire deux traitements différents et simultanés d’un même spectacle, expose Bergeron. Un radio-théâtre et, en salle, un spectacle différent, avec des déplacements très simples. Les comédiens jouent un peu, mais pas trop, afin que les spectateurs ne s’associent pas trop émotivement aux personnages.» Car le public est lui-même appelé à participer au show, à jouer tour à tour le peuple appuyant la révolte, et une foule sympathisante de la dictature. Le jeune metteur en scène entend tester dans la réalité la théorie de la distanciation brechtienne. «Et j’aimerais que les gens prennent goût à participer au théâtre, à être actifs. Qu’il y ait une communication dans le public, que ce soit une grosse fête.»
Agir semble être le mot d’ordre de l’audacieux tandem. Comme dans le slogan «La liberté, c’est agir», inscrit sur la pancarte que brandissaient les faux paysans, lundi matin. «Je trouve qu’il faut participer et essayer de faire changer les choses, croit Éric Provencher. Pour moi, la liberté, c’est quelque chose qui se redéfinit constamment, une transformation quotidienne. C’est le risque, c’est être déstabilisé, remettre toujours en question les choses. Pourquoi on se limiterait? C’est le fun, d’avoir du culot.»
Au Théâtre Les Deux Mondes
Du 8 au 10 juin
Radiodiffusé le 9 juin à 20 h 30 sur les ondes de CIBL