Le Rendez-vous : Je est un autre
La crise identitaire, vous connaissez? Si les Québécois baignent souvent dedans jusqu’au cou, notamment via leurs démarches artistiques, on imagine bien que les Autochtones en connaissent aussi un brin sur le sujet, eux qui sont aux premières lignes des problèmes d’acculturation et de perte d’identité. Une situation dont le théâtre se fait l’écho…
La crise identitaire, vous connaissez? Si les Québécois baignent souvent dedans jusqu’au cou, notamment via leurs démarches artistiques, on imagine bien que les Autochtones en connaissent aussi un brin sur le sujet, eux qui sont aux premières lignes des problèmes d’acculturation et de perte d’identité. Une situation dont le théâtre se fait l’écho…
Créé par Ondinnok – la «première compagnie professionnelle de théâtre autochtone du Québec», fondée en 1985 -, en coproduction avec le Théâtre français du Centre national des arts, Le Rendez-vous / Kiskimew parle de transmission de la culture, du sentiment d’être étranger, du regard de l’autre à travers les visions croisées des Amérindiens et des Blancs.
Sympathique, sincère, tantôt évocateur, tantôt maladroit et naïf, le spectacle écrit et mis en scène par Catherine Joncas suit la quête identitaire d’une jeune femme (Catherine Sénart, physiquement crédible avec ses longs cheveux noirs) qui n’a «jamais su qui (elle) était». À l’aide d’un dictionnaire de la langue crie, légué par son père, elle part à la rencontre des mots, d’une culture oubliée, des autres et, donc, d’elle-même.
L’auteure (qui s’offre aussi un rôle, très symbolique, dans la pièce) explore avec assez de sensibilité la difficulté de se sentir en accord avec l’image que l’autre nous accole, comme en témoigne un révélateur souvenir d’enfance, scène inspirée d’une nouvelle de Robert Lalonde. En dents de scie, se dispersant dans plusieurs directions, le texte dévoile un prisme d’expériences et d’anecdotes diverses, non sans une pointe d’ironie, qui se braque sur les clichés.
Le Rendez-vous réitère aussi l’importance des mots (dont celui, essentiel, de \«respect») et le besoin de nommer les choses: la protagoniste lit le dictionnaire sur scène, et assiste à une classe de langue… D’où l’inévitable petite touche didactique, parfois, malgré les efforts d’illustration d’une mise en scène aux accents symboliques, et l’humour bonhomme du prof d’attikamek (ean-Marc Niquay, dont les manières directes et la personnalité sympa font oublier la raideur du jeu).
Très inégale, la distribution laisse d’ailleurs filtrer une certaine dose d’amateurisme chez une couple d’interprètes, ce qui handicape quelques scènes. En revanche, Catherine Sénart offre une composition très juste et plutôt vibrante, dans un registre beaucoup plus sobre que le ton strident dont elle est trop souvent coutumière…
Dans une forme simple mais très ritualisée, accompagnée sur scène par la trame sonore de Maryse Poulin, qui rend ingénieusement les petits bruits de la vie, dans un rythme lâche qui n’est pas, disons-le, celui de la frénésie nord-américaine (le tout aurait vraiment pu être resserré), Le Rendez-vous met en espace l’errance identitaire. Et, à défaut d’un spectacle vraiment accompli, redonne au théâtre sa pleine fonction cérémoniale…
Jusqu’au 10 juin
À l’Espace Libre
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