Scène

Festival Danse Canada : Tour d’horizon

C’est le week-end dernier qu’a pris fin la huitième édition de Festival Danse Canada à Ottawa. Au programme, des nouveautés signées par des artistes accomplis tels Marie Chouinard et Roger Sinha, ainsi que des découvertes. Seule ombre au tableau: l’annulation du nouveau ballet d’Édouard Lock qui devait clôturer l’hommage que le Festival lui a consacré.

Avec plus d’une cinquantaine de spectacles concentrés en bonne partie au Centre National des Arts, le Festival Danse Canada (FDC) n’a rien de comparable à la frénésie du Festival de nouvelle danse (FIND). Reste que dans les corridors du CNA, on rencontrait des chorégraphes et des danseurs de tout le Canada, des producteurs, des journalistes (dont une trentaine de l’étranger), sans oublier le public. Même si la huitième édition du FDC n’a pas fracassé de record d’assistance (environ 13 000 spectateurs), jamais n’aura-t-on autant parlé de ses invités. Ainsi, plusieurs critiques ont souligné la performance originale de la Torontoise Sarah Chase. Il reste que c’est encore les Québécois qui ont le plus séduit.
Figure de proue de la danse québécoise, Marie Chouinard signe oeuvre sur oeuvre depuis trois ans. En l’espace de douze mois seulement, elle a accouché de deux pièces aussi différentes que le jour et la nuit interprétées par une troupe presque entièrement renouvelée. À Ottawa, la chorégraphe a donné Les 24 Préludes de Chopin, une pièce qui comporte 24 courtes chorégraphies dansées en solo, en duo ou encore en groupe. Moins marquée par l’audace, l’oeuvre de la chorégraphe gagne en finesse, en élégance et… en drôlerie. Car on s’esclaffe souvent pendant la presque heure. Mais surtout, on se laisse emporter par la beauté de la gestuelle et de la scénographie tout comme par la musique nostalgique de Chopin.
Fidèle collaborateur, Axel Morgenthaler signe des éclairages sobres et étudiés qui enveloppent de façon naturelle les mouvements des danseurs. Mais par-dessus tout, l’oeuvre dégage beaucoup de sérénité. Elle laisse croire que la chorégraphe cherche moins à déstabiliser le public. Rien de plus faux.
Avec Le Cri du monde, on a l’impression d’être au coeur d’une communauté fascinante qui grimace, se déhanche ou bat frénétiquement des mains. Le langage de Marie Chouinard n’en finit plus d’étonner. Elle pousse les danseurs à adopter des positions inusitées. Le compositeur Louis Dfort signe ici une musique violente qui ajoute au caractère étrange de la pièce. Si, par moments, Le Cri de monde paraît aride, elle reste toutefois à la hauteur des attentes.
On le savait entiché de Bharatanatyat, mais on ignorait jusqu’à quel point le chorégraphe-danseur Roger Sinha avait cette danse indienne dans la peau. Celui-ci a conçu en collaboration avec Natasha Bakht, une danseuse d’origine indienne de Toronto, le duo Loha. La réussite de ce spectacle d’une heure environ repose sur le mariage intelligent de la danse contemporaine avec une danse traditionnelle qui remonte à plus de deux mille ans. Oubliez les clichés folkloriques, les artistes réinventent la danse indienne en imposant sensualité et quasi-nudité sur rythmes de percussions et de voix. Les solos tout en fluidité demeurent les passages les plus marquants. Dommage que les éclairages de Caroline Ross n’aient pas été plus nets, la pièce n’en aurait été que meilleure.
Compagnie vedette de Vancouver, Holy Body Tattoo avait fait salle comble au moment de son passage à Montréal voilà trois ans. La danse violente et explosive de Dana Gingras et Noam Gagnon, à laquelle se juxtaposent images vidéo et musique échevelée, n’est pas sans rappeler le travail d’Édouard Lock. Avec Circa, les deux artistes s’éloignent définitivement de l’influence du fondateur de La La La Human Steps.
S’inspirant du tango, Gagnon et Gingras exploitent un thème populaire en danse comme au cinéma et en littérature: le pouvoir à la source des jeux amoureux. Racoleur et efficace, Circa écrase d’un coup de talon tout sentiment d’ennui avec ses images en noir et blanc de Paris, ses chansons à succès et ses corps à corps voluptueux ou violents. Du côté de l’interprétation, Gingras et Gagnon bougent bien et ont du charisme à revendre. Leur gestuelle est sensuelle, voire sexuelle. Le couple dans la vie comme au travail expose son intimité et évite habilement le voyeurisme. Circa, de Holy Body Tattoo, sera à l’affiche de l’Usine C l’auomne prochain, et ce spectacle s’annonce déjà comme un succès.
Le Ballet National du Canada (BNC) devait présenter un ballet inédit d’Édouard Lock au spectacle de clôture du FDC. Les représentations ont dû être annulées en raison du retard des répétitions occasionné par des problèmes juridiques au sein de la compagnie. Le spectacle a été remplacé par Septet, de John Alleyne, un ballet doux et efficace mais sans plus. La performance du BNC valait quand même le détour pour la chorégraphie de Dominique Dumais. Originaire du Lac-Saint-Jean, cette artiste de 32 ans a été soliste au Ballet National du Canada avant de voler de ses propres ailes. L’hiver dernier, elle signait une oeuvre pleine de charme aux Ballets Jazz de Montréal. One Hundred Words for snow confirme une main sûre, des lignes originales et bien dessinées. L’audace viendra avec l’expérience. Une artiste à suivre.