Scène

Krieghoff: Images du Canada : À paysages humaines

Paysages, chutes et forêts, représentations des Amérindiens et des habitants canadiens-français; de Montréal à Québec, Krieghoff a peint sa vision de la nature et de la vie au XIXe siècle. Pour l’occasion, le Musée du Québec s’est associé au ministère des Ressources naturelles. Ce dernier en profite pour tenter de redorer son image.

Le Musée du Québec accueille la remarquable exposition du Musée des beaux-arts de Toronto organisée par son conservateur en chef, Dennis Reid. Cent cinquante-cinq oeuvres provenant de divers musées et de collections privées sont regroupées dans cette exposition qui permet de découvrir l’oeuvre de ce peintre d’origine hollandaise. Autodidacte, Cornelius Krieghoff (1815-1872) est un des peintres les plus importants du XIXe siècle. Cet artiste prolifique a réalisé quelque 1 800 oeuvres, dont la plus grande partie s’inspire des environs de Montréal et de Québec. C’est d’ailleurs dans la Vieille Capitale, où Krieghoff a élu domicile de 1853 à 1863, qu’ont été réalisées ses oeuvres les plus connues. Sa peinture a été diffusée par la gravure et prisée par la communauté anglaise locale, officiers et commerçants oeuvrant dans le commerce du bois de l’époque.

La peinture de Krieghoff ne s’adresse pas seulement aux nostalgiques d’une peinture ou d’un mode de vie aujourd’hui révolus. Elle est incontournable dans l’histoire de l’art canadien. La contribution de ce peintre, comme le souligne la documentation du Musée, «relève de sa conception du paysage et de la présence humaine qui s’y inscrit». Ses tableaux fourmillent de détails sur les costumes de l’époque, les objets et l’environnement. Il a réalisé des scènes de genre, souvent anecdotiques, parfois comiques: partie de cartes, sortie de l’auberge à l’aube, course de traîneaux, traversée de pont de glace. Beaucoup de paysages, de scènes de chasse, de portage et de campements d’Indiens. On reconnaît, malgré le traitement idéalisé du paysage, les environs de Québec: Saint-Ferréole-les-Neiges, la chute Montmorency, les montagnes sauvages de Sainte-Brigitte-de-Laval, le lac Saint-Charles.

Les historiens de l’art ont discuté et discutent encore des significations de la représentation du paysan canadien-français et de celle de l’Amérindien. La fortune de l’oeuvre de Krieghoff est d’ailleurs un sujet historiographique fort intéressant. Sa peinture fait tujours l’objet d’études savantes, comme en témoignent celles qu’on retrouve dans le catalogue de l’exposition. L’ouvrage collectif dirigé par Dennis Reid comprend notamment un texte du conservateur lui-même, ainsi qu’un essai de l’historien d’art François-Marc Gagnon traitant du regard sur l’autre. En fait, la peinture narrative de Krieghoff suscite encore de multiples interprétations.

L’actuelle association du Musée du Québec avec le ministère des Ressources naturelles ne fait pas exception. L’intérêt du ministère des Ressources naturelles pour la présentation des oeuvres d’un peintre pour qui «la forêt est un élément central dans sa production» ne nous semble ni fortuite ni désintéressée. Surtout dans le contexte actuel: un an après la sortie du film de Monderie et Desjardins, L’Erreur boréale, qui dénonçait la complicité entre le Ministère et l’industrie, et au moment où le Ministère doit répondre aux actuelles revendications d’une coalition de citoyens pour un contrôle de l’industrie et de l’exploitation de nos forêts. Comme le souligne le ministre Jacques Brassard, «l’oeuvre de Krieghoff nous rappelle avec pertinence la valeur du patrimoine forestier québécois et la nécessité d’en favoriser l’accès et la cohabitation harmonieuse de tous les usagers». Les propos du ministre se font parfois plus lyriques, faisant l’éloge de la beauté de nos rivières et de nos forêts. Espérons seulement que M. Brassard saura être aussi «sensible» aux revendications du peuple de «faiseurs de forêts» que nous sommes qu’il semble l’être à l’art. Cette collusion évidente entre la culture et le pouvoir politique n’altère en rien l’intérêt que l’on puisse accorder à la peinture de Krieghoff, mais elle mériterait sérieusement l’attention des disciples de Bourdieu…

Jusqu’au 10 septembre
Au Musée du Québec
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Bloc-notes

Rocher percé

Les sculptures de Jean Brillant présentées actuellement à la Galerie Madelene Lacerte sont faites pour résister aux intempéries. La dualité entre les éléments naturels et ceux fabriqués apparaît fondatrice dans le travail de sculpteur. «Elles sont, comme l’écrit John K. Grande, des réponses poétiques au dilemme culture-nature…» Pierres des champs, roches parsemées de mousse verte sont transpercées d’acier corten. Les pierres découpées forment tantôt des arbres d’acier, tantôt des figures tentaculaires et mouvantes. Certaines sculptures sont là pour «tenir les choses pour qu’elles ne partent pas», comme l’écrivait l’artiste en 1997. C’est le cas du Rhinocéroche (1999), une grande corne de tiges de métal remplie de dizaines de roches.

Le travail de Jean Brillant est bien connu au Québec pour avoir déjà été présenté chez Madeleine Lacerte, dans des galeries montréalaises et lors de symposiums de sculpture. Il a pu être apprécié à Toronto, de même qu’en France, en Belgique et en Espagne. Avec cette exposition, le sculpteur originaire de Rimouski propose 14 pièces de sa production récente. Certaines reprennent des formes et des figures déjà explorées par l’artiste, d’autres témoignent de ses nouvelles découvertes. À voir, jusqu’au 2 juillet.