Gumboots : C'est le pied!
Scène

Gumboots : C’est le pied!

Si l’humour et ses multiples dérivés y dominent encore largement, il intègre désormais des spectacles qui n’entretiennent que d’assez lointains rapports avec la comédie proprement dite. Des shows hybrides tel Gumboots, où il s’agit moins de dilater la rate que de chatouiller la fibre rythmique du spectateur, lequel ne se fait généralement pas prier…

D’année en année, il semble que le festival de Gilbert Rozon soit de moins en moins strictement «Juste pour rire». Si l’humour et ses multiples dérivés y dominent encore largement, il intègre désormais des spectacles qui n’entretiennent que d’assez lointains rapports avec la comédie proprement dite. Des shows hybrides tel Gumboots, où il s’agit moins de dilater la rate que de chatouiller la fibre rythmique du spectateur, lequel ne se fait généralement pas prier…

Affaire de rythme et de sensations, l’enfiévré show sud-africain résiste aux mots pour le décrire. Imaginez un déferlement de jambes qui battent frénétiquement le sol, et autant de mains qui frappent sur les bottes en mesure, le tout accompagné, ou pas, de chants plus ou moins traditionnels («a cappella», c’est franchement impressionnant à entendre). Un choeur de pétulants hommes caoutchouc, qui transpirent la vigueur et la bonne humeur. Comme Tap Dogs (et c’est tout sauf un hasard: le metteur en scène du show australien, Nigel Triffitt, assume ici la direction artistique), Gumboots s’inscrit dans ce courant de danses en ligne masculines, musclées et à la cadence frénétique.

À la différence majeure que cette danse en bottes repose sur un tragique background historique: né au XIXe siècle dans les mines d’or de l’Afrique du Sud ségrégationniste, le «gumboots» servit d’abord d’ingénieux code de communication aux mineurs noirs contraints au mutisme. Ressuscitée dans un club de jeunes, dont certains formèrent The Rishile («lever de soleil») Gumboots Dancers of Soweto et commencèrent à performer dans les rues et les centres d’achat de Johannesburg, la danse a depuis été «modernisée».

Dans sa forme actuelle, le spectacle mis en scène par Zenzi Mbuli ne conserve de ses émouvantes origines qu’une légère contextualisation. À travers le décor, via la projection de photos d’archives, ou les petites saynètes qui lient les numéros musicaux, on nous rappelle parfois, de vibrante façon, les dures conditions de vie des mineurs ud-africains. Le spectacle ménage des instants plus recueillis pour rendre hommage aux anciens esclaves, mais on ne s’appesantit jamais très longtemps dans ce show à l’ambiance décontractée, qui célèbre d’abord le party, la faculté de fêter en dépit de tout. Si Gumboots, sorte de compromis entre l’entertainment et le rituel de mémoire, nous communique quelque chose, c’est d’abord ça. Un coup de chapeau à la survivance, à l’optimisme. Et c’est tout.

On est tout cas assez loin d’un certain purisme, avec ce show qui s’éparpille joyeusement. À l’évidence calibré pour le marché international, Gumboots dilue un peu sa prémisse historico-politique dans un cocktail composé de chansons d’amour, de quelques blagues anodines, d’un soupçon de breakdance… Oillades aux spectatrices, déhanchements sexy, quelques mots français lancés au public: les fort sympathiques danseurs aux corps athlétiques nous entraînent dans une opération séduction, enrobée d’un humour bon enfant. C’est un peu racoleur, mais de bonne guerre. Et surtout, c’est fait avec tant de bonne humeur contagieuse et un zeste d’autodérision («I’m too sexy for my own good», chantent-ils) que ça passe sans trop de douleur.

Et quand ils dansent, vraiment, on oublie le reste. Concentré d’énergie humaine et explosive, Gumboots réussit à réchauffer la trop solennelle salle Pierre-Mercure, grâce à l’étourdissante vitesse et à la haute précision de la talentueuse troupe.

Difficile, voire impossible de résister à ce tourbillon de musique attrayante et de pulsions rythmiques qui se propagent dans la salle. Les plus amorphes se surprennent à dodeliner de la tête pour battre la cadence. Désormais, c’est ça, l’effet Gumboots: une communication en forme de bon divertissement…

Jusqu’au 30 juillet
À la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau

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