Sylvain Larocque : Sortir de l'ombre
Scène

Sylvain Larocque : Sortir de l’ombre

On ne reconnaît pas encore sa silhouette trapue et sa mine patibulaire – un croisement entre «Bruce Willis et Homer Simpson», comme il le décrit lui-même avec une autodérision bienvenue -, mais Sylvain Larocque hante les coulisses de l’industrie de l’humour québécois depuis  longtemps.

On ne reconnaît pas encore sa silhouette trapue et sa mine patibulaire – un croisement entre «Bruce Willis et Homer Simpson», comme il le décrit lui-même avec une autodérision bienvenue -, mais Sylvain Larocque hante les coulisses de l’industrie de l’humour québécois depuis longtemps. Comme un gangster, dont il affirme avoir emprunté la tronche, il a surtout évolué dans l’ombre (ou du côté anglophone), jouant les scripteurs à gages depuis 1992, notamment pour la sitcom Un gars, une fille, ou pour les collègues humoristes François Morency, Jean-Michel Anctil, François Léveillée, et Martin Petit.

Un c.v. que lui envieraient bien des pseudo-débutants. Avec toute cette expérience derrière la cravate, la révélation 1998 du Festival du rire de Montreux (!) peut se lancer sans trop de crainte dans un premier solo en terre montréalaise. Dans le cadre de la série Cabaret du Festival Juste pour rire, Sylvain Larocque livre un spectacle inégal mais généralement solide, où il fait à tout le moins la preuve par A plus B qu’il n’est pas bon qu’à fournir des gags aux autres. Un bon indicateur de son aisance scénique? Son sens de la repartie, sa facilité à récupérer au vol les réactions de la salle.

Le diplômé de McGill et des HEC (mais aussi de l’École nationale de l’humour!) ne manque donc pas de tempérament comique. Dans ce show court mais intense, qui sert assez bien le difficile credo du stand up, «une ligne, un punch», les monologues zigzaguent rapidement d’un thème à l’autre. Toutefois, peut-être parce que Larocque a beaucoup écrit pour les autres, s’est coulé dans différents univers, il n’offre pas pour l’instant de personnalités très originales: une certaine dose de relations hommes-femmes (avec des personnifications féminines un peu à la manière de François Morency); un brin d’anti-politically correctness (surtout sur les «p’tits vieux»); d’assez rares plaisanteries salées; un numéro interactif (dont la formule finit par devenir répétitive); pas mal d’humour de gars ou de tverne (littéralement: il parle de bière).

Et même un peu de politique! C’est embryonnaire, et sur le thème «on parle trop de constitution, et pas assez d’économie» (hum…), mais on ne chipotera pas, tant ils sont rares désormais à s’aventurer sur ce terrain. Certains gags portent davantage, quand il écorche les symboles canadiens ou observe que les Québécois «se pratiquent à se séparer» en déménageant tous les 1er juillet…

Sur le lot, il en échappe inévitablement. Mais, entre les blagues qui jouent de façon plutôt désolante sur des clichés (sur les Chinois et les Africains) ou les facilités (les gags un peu «habitants» sur la bouffe française…), émergent de vrais bons numéros. Pas à se taper sur les cuisses, mais très joliment écrit, son feuilleton à épisodes jonglant avec la signification littérale des patronymes québécois («Lafortune est parti avec Lachance…) témoigne d’un effort d’originalité. Sa séance de défoulement contre les petits mensonges ordinaires de la vie (comptez sur lui pour remettre les pendules à l’heure) a passablement de punch.

Plus anodins mais rigolos: son analyse des records Guiness les plus farfelus, ou ses suggestions baveuses pour embêter son prochain. Et sa façon d’imiter un homme qui se refuse stoïquement à pleurer, en battant frénétiquement des paupières (comme pour en assécher les larmes), vaut amplement le coup d’oeil.

En tout et pour tout, peut-être pas la «révélation» attendue, mais un stand up qui tient plus qu’honorablement sa place sur scène.

Jusqu’au 23 juillet
Au Cabaret Juste pour rire

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