La toute nouvelle création du Cirque Éloize est une réussite. Sans les jongleurs et les bicycles, donc dépouillés du concept d’Excentricus, les diplômés de l’École nationale de cirque ont préservé la crédibilité du Madelinot et directeur artistique Jeannot Painchaud et de son metteur en scène Alain Francoeur. Dans un hangar du port de Trois-Rivières, à cause de la présence de l’imposant Orchestre symphonique de la ville, l’on a rebaptisé l’oeuvre Cirque Orchestra. Premier constat: la musique n’est pas là que pour soutenir les acrobaties, elle est carrément l’épicentre du spectacle. Une bénédiction. Avec Cirque Orchestra, tout est beauté. Une véritable célébration du corps humain et de sa complexe mécanique, auréolée d’adagios célestes (Samuel Barber), de valses tristes (Jean Sibelius), de pavane pour orchestre (Gabriel Fauré), de danse macabre (Camille Saint-Saëns), etc. Les numéros (qui totalisent soixante-quinze minutes) s’enchaînent sans aucun temps mort, la trame dramatique est omniprésente: un duo homme-femme au trapèze fixe, une Geneviève Lemay à la fois gracieuse et spectaculaire aux anneaux, se balançant dangereusement au-dessus des trente musiciens et musiciennes, une Leslie Tipton tout en contorsions sur sa plate-forme, et un Antoine Carabinier Lépine sidérant à la roue allemande sont parmi les moments forts.
Toutefois, l’omniprésence d’un faux violoniste (dans Quidam du Cirque du Soleil, en 1996, c’était l’homme et son parapluie), émerveillé et envoûté, qui tente maladroitement de participer aux acrobaties m’a paru inutile, de même qu’une surenchère de numéros où les filles se laissent rouler sur de longs tissus. À certains moments de la prestation, l’aspect chorégraphique prend le dessus: tout le monde est là (en sempiternels lambeaux «ballet-jazz»), et ces attroupements rappellent les élans humanitaires de Jesus-Christ Superstar. Somme toute, un spectacle à la fois efficace et simple, qui soulève les inévitabls comparaisons avec son grand frère, le Cirque du Soleil: sans les fauves et les clowns, le cirque peut être réinventé. Si, en plus, la musique prend son envol, on a l’impression de tenir nous-même le trapèze.
Jusqu’au 13 août
Au Vieux-Port de Trois-Rivières
Info: (819) 380-9797.