Droits d’auteurs : Mots à maux
La Compagnie Jean Duceppe amorce sa saison avec un spectacle fort intéressant. Si Droits d’auteurs, de Donald Margulies, ne révolutionne pas le théâtre nord-américain, ce texte s’inscrit parfaitement dans le mandat artistique de cette troupe: proposer aux amateurs de théâtre des oeuvres scéniques à la fois émouvantes et divertissantes.
La Compagnie Jean Duceppe amorce sa saison avec un spectacle fort intéressant. Si Droits d’auteurs, de Donald Margulies, ne révolutionne pas le théâtre nord-américain, ce texte s’inscrit parfaitement dans le mandat artistique de cette troupe: proposer aux amateurs de théâtre des oeuvres scéniques à la fois émouvantes et divertissantes.
Formellement conventionnelle et assez prévisible, cette pièce, créée à Manhattan en 1997 (et qui tourne depuis à travers l’Amérique du Nord), a la grande qualité d’exposer, par le biais d’un conflit entre deux personnages touchants et universels, des thèmes philosophiques sans tomber dans la morale ou le didactisme.
L’histoire relate l’amitié influente entre une étudiante en littérature et sa professeure à New York dans les années 1990. Cette dernière (Françoise Faucher) est une Juive new-yorkaise célibataire, rendue célèbre par ses recueils de nouvelles et reconnue de l’intelligentsia – elle reçoit des appels personnels de Susan Sontag et Norman Mailer. Sous son caractère bourru et sa forte personnalité, on peut deviner que son existence solitaire cache des blessures anciennes.
L’étudiante ambitieuse, passionnée mais insécure (Markita Boies), se liera avec l’écrivaine en prenant des cours particuliers au domicile de cette dernière. Or, plus tard, quand l’étudiante deviendra la coqueluche de la relève littéraire, elle transposera les confidences de son ex-professeure dans son premier roman. Ce sera la trahison.
En apparence, Droits d’auteurs est une pièce sur la création littéraire. À l’instar du Vrai Monde? de Tremblay, Margulies nous montre les rapports troubles entre la fiction et la réalité, en se demandant si l’auteur a le droit de se servir de la vie des autres pour nourrir ses propres histoires.
Mais c’est aussi une pièce sur la formation, l’émulation et la transmission du savoir, d’autant plus importante lorsque l’on sait que notre vie s’achève. Car la femme de lettres n’a pas eu d’enfants. En transmettant ce qu’elle sait à l’auteure en herbe, elle croit remplir un devoir aussi important que l’oeuvre qu’elle laissera derrière elle.
La mise en scène de François Barbeau, un peu en retrait, propose un climat favorable aux échanges intimistes entre les deux femmes. Idem pour le décor très réaliste de Louise Campeau: le salon d’un appartement débordant de livres et de manuscrits. Dans le rôle de la doyenne, Françoise Faucher est extraordinaire. Elle trouve ici un grand personnage à la mesure de son talent. Un personnage lui permettant aussi de faire oublier l’aura de femme du monde qu’on lui impose trop souvent… Elle est ici terriblement humaine et vulnérable.
Par contre, Markita Boies m’a semblé mal dirigée dans les premières scènes où elle a la tâche difficile de défendre une étudiante jeune et naïve. Heureusement, son jeu s’améliore dans la deuxième partie, alors que son personnage gagne en expérience et en maturité.
Finalement, après une conclusion un peu longue, Donald Margulies refuse de prendre parti et propose une fin ouverte au cours de laquelle chacune croira avoir raison. "Le choix appartient aux spectateurs, explique l’homme de théâtre américain dans le programme. Je crois que le travail du dramaturge a pour but de dépeindre le mieux possible les comportements humains."
Et sa pièce a la qualité d’être profondément humaine…
Jusqu’au 6 septembre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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