Margie Gillis : Le retour
Depuis 27 ans, le corps de Margie Gillis exprime ses paysages intérieurs avec l’objectif de sans cesse se renouveler. La danseuse interprétera ses plus récents solos la semaine prochaine à la salle Pierre-Mercure.
Margie Gillis
vit dans ses valises depuis plus d’un quart de siècle. Ses créations solos ont été présentées partout dans le monde. Mais depuis deux ans, la chorégraphe montréalaise de 47 ans a mis un frein à ses allers et retours. À cause de la fatigue mais surtout à cause d’un désir profond de renouveler son langage. Dans le calme de son studio, elle s’est concentrée sur ce que son corps avait encore à lui dire. Un corps fabuleux, il va sans dire, qui exprime depuis 27 ans les paysages intérieurs de l’artiste sans jamais vouloir se répéter.
Confortablement assise dans un café du boulevard Saint-Laurent, entre deux bouffées de cigarettes américaines, Margie Gillis discute du nouveau programme qu’elle présentera la semaine prochaine à la salle Pierre-Mercure. Elle dégage une bonne humeur et un bien-être contagieux. Toute trace d’amertume qui marquait son discours en 1998 a disparu. C’est que la dernière décennie n’a pas été tendre envers elle. Elle a perdu son frère et partenaire de danse Christopher Gillis, emporté par le sida en 1994. Ensuite, malgré le rayonnement international de sa compagnie, celle-ci a failli disparaître en 1998, en raison d’un manque de financement. La chorégraphe a donc dû se battre et s’investir dans la création d’oeuvres de groupe, comme on le lui suggérait. Cela ne l’a pas empêché de créer dans le plaisir et, en parallèle, de continuer à chorégraphier pour elle-même.
"Il y a des choses que je veux faire et il y a des choses que je dois faire pour des raisons financières. Voilà deux ans, j’ai décidé de consacrer plus de temps à la recherche. Ce fut une période fabuleuse car les idées ont coulé comme une rivière. Le point de départ reste toujours le même, poursuit-elle. Je m’inspire d’un paysage intérieur, d’un état d’esprit, d’un rêve ou d’une émotion. Puis ça devient comme de l’électricité qui traverse mon corps, touche mes muscles. L’architecture de chaque création est unique car la source d’inspiration n’est jamais la même."
Au cours de cette période, la chorégraphe a conçu quatre nouveaux solos. Il s’agit toujours d’une danse variée et libre, parfois ludique ou rythmée, parfois mystérieuse. On y retrouve des thèmes chéris par Margie Gillis comme la perte, la douleur, l’abandon. "En fait, j’offre différentes facettes d’un même bijou", dit-elle. Chose certaine, elle flirte de moins en moins avec la dimension zen qui colorait ses dernières oeuvres. "Je créais à ce moment-là en réaction au stress engendré par les tournées."
Parmi ses dernières-nées, c’est Loon qui la fait le plus vibrer en raison de son atmosphère mystérieuse. "J’ai l’impression de toucher à quelque chose de profond." Soutenu par des chansons de Leonard Cohen, No Cure réunit trois solos qui symbolisent les rencontres amoureuses de la danseuse. Margie Gillis s’est inspirée d’une musique et d’un poème indiens pour la création de Speak, une danse qui exige beaucoup de puissance physique. Quant à George, dont on a pu voir un aperçu au Théâtre de Verdure, à l’été 99, c’est sans doute l’oeuvre la plus joyeuse du programme. Enfin, la danseuse interprétera de nouveau le poétique Voyage sur une chanson de Gilles Vigneault, laquelle fut remaniée de façon remarquable par le compositeur Gaétan Leboeuf.
Elle a beau prétendre passer plus de temps chez elle, n’empêche que lorsqu’une invitation extraordinaire lui parvient, il lui est difficile de refuser. Ainsi, depuis un an, elle participe à une tournée de Jessye Norman (Sacred Ellington) et à des spectacles au profit de la lutte contre le sida. "Ma vie est très riche. Je participe à toutes sortes de projets et j’en ai d’autres sur la table comme l’écriture d’un livre."
Pour le moment, elle espère danser encore plusieurs années. Et si on se fie à la vitalité de sa mère âgée de près de 90 ans, on risque bien de voir ses gracieux mouvements et sa longue chevelure onduler encore longtemps.
Du 20 au 23 septembre
À la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
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