Benoît Lachambre : Chambre avec vue
Scène

Benoît Lachambre : Chambre avec vue

Dans le cadre de la série Danse à l’Usine, qui met à l’honneur des chorégraphes en marge ayant évolué à l’étranger, BENOÎT LACHAMBRE présente Confort et Complaisance, une oeuvre qui utilise les corps et les voix de sept  interprètes.

Quel drôle de bonhomme! Benoît Lachambre se pointe à notre rendez-vous à vélo en plein coeur d’un après-midi ensoleillé, les cheveux ébouriffés et les vêtements fripés comme s’il venait de sortir du lit. Et c’est le cas, il m’apprend qu’il s’est payé une grasse matinée pour le moins méritée. C’est que, ces temps-ci, il se consacre aux répétitions de Confort et Complaisance, qui prendra dans quelques jours l’affiche de l’Usine C. Son spectacle inaugure la série Danse à l’Usine, qui met à l’honneur des chorégraphes en marge ayant évolué à l’étranger.
Avec sa dégaine d’ado, le chorégraphe québécois donne l’impression de prendre la vie comme elle vient. Pourtant, il a su démontrer ces dernières années qu’il menait sa carrière rondement. À l’aube de la quarantaine, il compte déjà plus de vingt ans de métier. En Europe, où il a vécu une partie de la dernière décennie, on l’associe aux chorégraphes underground, qui sont en train de bouleverser le rapport entre le public et les danseurs, comme le Berlinois Felix Ruckert dont a pu applaudir la danse relationnelle l’été dernier, chez Danse-Cité, et pour qui Benoît Lachambre fut interprète.
La danse de Benoît Lachambre voisine avec la performance, flirte avec les arts visuels et se fiche des règles de l’esthétisme. De prime abord, son travail peut paraître rebutant. Il n’en est rien toutefois. Le public et la critique lui ont réservé un accueil enthousiaste à ses derniers spectacles (Délire parfait et L’Aberration des traces). Et sa prochaine oeuvre fera jaser dans les chaumières. Sept interprètes (Martin Bélanger, Joe Hiscott, Tonja Livingstone, Jacques Moisan, Pierre Rubio – un danseur de Felix Ruckert -, George Stamos et Julie Andrée T.) danseront entièrement nus sous des manteaux de fourrure. Entourés d’une installation scénographique tout en plastique signée Julie Andrée T., ils livreront des variations chorégraphiques sur les thèmes du confort et de la complaisance en utilisant leur corps et leur voix. "Ces danseurs ont une vision personnelle et élaborée du rôle de la sexualité en danse, explique Benoît Lachambre. Je sais que je peux travailler avec eux sur la nudité sans qu’il y ait de la résistance. De plus, il s’agit d’excellents improvisateurs. C’est sûr que ce que je leur demande reste très personnel ; ils doivent s’impliquer à part entière."
On n’assiste pas à un spectacle de Benoît Lachambre juste pour le plaisir de se divertir. Le chorégraphe souhaite stimuler la participation du public, favoriser la proximité avec celui-ci. Des exemples? Dans son solo Délire parfait, les spectateurs défilaient devant une caméra avant de prendre place dans la salle. Dans le trio L’Aberration des traces, le public choisissait en se déplaçant l’angle de la séquence chorégraphique. Dans Confort et Complaisance, le spectateur devra traverser la scène pour se rendre à son siège. Et durant le spectacle, une partie du public sera à l’occasion interpellée par la troupe.
Chez Benoît Lachambre, ce besoin de bousculer le rituel de la représentation lui vient d’une volonté de remettre en question la position du spectateur plus que d’une volonté de le provoquer. "Je veux qu’il se définisse par rapport à l’oeuvre, qu’il soit conscient de son sentiment de confort ou d’inconfort", dit-il. De toute façon, la partie ne sera pas plus facile pour la troupe. Celle-ci doit constamment être à l’écoute de l’impulsion du mouvement. "Il y a dans mon travail une dualité, on peut voir ce qui est sombre dans ce qui est beau et vice-versa. C’est ce à quoi l’on fait face dans la vie, ce n’est jamais tout l’un ou tout l’autre", a-t-il déjà déclaré en entrevue.

Géographie intérieure
Le parcours de cet artiste est à son image: à la fois inclassable et authentique. À la fin de l’adolescence, il prend des cours de technique classique. "Mes professeurs me disaient déjà que je n’avais pas le corps d’un danseur de ballet", se souvient-il. Tant pis, il dansera pour Les Ballets Jazz de Montréal, Pointépiénu et Toronto Dance Theatre. Ce n’est que plus tard qu’il apprend à définir sa "géographie intérieure" en suivant des cours d’improvisation et de releasing (une technique alternative développée à l’origine pour soigner les danseurs blessés) à New York. Puis, il fait partie de la distribution Des Trous du ciel de Marie Chouinard. Une grave blessure au fémur le tient immobilisé pendant des mois et lui fait réaliser sa capacité d’évoluer en danse en dehors des techniques classiques et modernes. "Je ne pouvais plus obéir aux conventions car mon corps allait me lâcher. Je me suis alors dit: pourquoi me conformer à quelque chose qui ne me convient pas quand il y a au fond de moi quelque chose d’essentiel à la danse."
Benoît Lachambre approfondit donc les techniques de l’improvisation chez les Européens. Et c’est en dansant pour la Belge d’origine américaine Meg Stuart et l’Allemande Sacha Waltz qu’il intègre des détails du quotidien dans sa danse. Rapidement, il développe un style baroque et déstabilisant. "J’ai étudié plusieurs méthodes et perçu des définitions multiples. C’est de là que vient ma différence. C’est sûr que si j’étais resté au Québec, mon travail se serait inscrit dans le courant esthétique des artistes d’ici." Il dit aussi que s’il avait eu une enfance confortable, dans une banlieue chic, sa danse ne serait sans doute pas la même aujourd’hui. "Quand on vient d’un milieu ouvrier, on apprend vite à se concentrer sur l’essentiel."
Depuis quatre ans, le chorégraphe présente régulièrement des solos et des oeuvres de groupe à Tangente ou au Musée d’art contemporain. Des danseurs comme Diane Leduc, Lynda Gaudreau et Sarah Williams font aussi appel à son talent. Lui qui se définit comme un tempérament lent se transforme en turbo lorsqu’il s’agit de mettre en mouvement son imagination. Son seul regret: que son répertoire roule uniquement en Europe et à Montréal. Son langage trouvera sans doute sa niche au Québec. Tout n’est qu’une question de temps…

Du 27 au 30 septembre
À l’Usine C

Lin Snelling
Comme Benoît Lachambre, Lin Snelling travaille avec les techniques de l’improvisation et du releasing. Danseuse-vedette chez Carbone 14, la blonde artiste crée et danse aussi pour elle-même. À partir de ce soir jusqu’à dimanche, elle livrera à Tangente, dans le cadre de la série des Majeurs, Echo, qu’elle cosigne et interprète avec la New-Yorkaise Hetty King. Ce duo qui questionne l’amour semble naviguer dans les mêmes eaux poétiques et méditatives que Femme comme paysage, que Snelling avait présenté à l’Usine C l’année dernière.

Du 21 au 24 septembre
À Tangente

L’Agora de la danse: Bonnes nouvelles
L’année dernière, l’Agora de la danse craignait de devoir fermer ses portes après l’annonce du retrait des programmes d’assurance-emploi qui défrayaient depuis l’ouverture du centre le salaire des placiers et des guichetiers. La communauté de la danse avait alors promptement réagi en expédiant au ministère de la Culture une cinquantaine de pétitions afin que le centre de création et de diffusion de la rue Cherrier, né au tournant des années 90, puisse obtenir une aide financière accrue.
Heureusement, la ministre Agnès Maltais n’est pas restée insensible à leur demande. La semaine dernière, dans le cadre de la première du spectacle d’ouverture de la saison de l’Agora (Perfume de Guardenias de José Navas), elle annonçait l’octroi d’une subvention spéciale de 200 000 $. Répartie sur deux ans, cette somme servira essentiellement à couvrir les salaires des employés qui collaborent avec les quatre permanents de l’Agora.
Parallèlement à l’aide gouvernementale, le conseil d’administration de l’Agora souhaite coproduire à même des sommes recueillies au privé. On vise ainsi à ramasser 200 000 $ et financer avec les intérêts de ce montant des spectacles locaux et étrangers. L’Agora de la danse s’est déjà engagée à coproduire les prochains spectacles de Cas Public, de la Compagnie Flak, de la compagnie française Schmid Permette et de la compagnie de Vancouver Lola MacLaughlin.