Collected Stories : La grande visite
Scène

Collected Stories : La grande visite

Elle a fait ses débuts, en 1937, en incarnant la douce Ophélie. Depuis, Uta Hagen a joué dans 22 shows de Broadway, y a créé la Martha de Qui a peur de Virginia Woolf?, a marqué le rôle de Blanche DuBois en 1948 (Anthony Quinn était son Stanley), et a remporté plusieurs prix. Bref, la dame est une véritable légende de la scène américaine. Avec Collected Stories, de Donald Margulies, présenté au Centre Saidye Bronfman après un passage au Festival de Stratford, les Montréalais ont la chance rare de pouvoir voir évoluer (et de très près) cette prestigieuse comédienne

Elle a fait ses débuts, en 1937, en incarnant la douce Ophélie. Depuis, Uta Hagen a joué dans 22 shows de Broadway, y a créé la Martha de Qui a peur de Virginia Woolf?, a marqué le rôle de Blanche DuBois en 1948 (Anthony Quinn était son Stanley), et a remporté plusieurs prix. Bref, la dame est une véritable légende de la scène américaine. Avec Collected Stories, de Donald Margulies, présenté au Centre Saidye Bronfman après un passage au Festival de Stratford, les Montréalais ont la chance rare de pouvoir voir évoluer (et de très près) cette prestigieuse comédienne. Vous dire: la dernière fois qu’on l’a aperçue dans nos parages, c’était en 1944, alors qu’elle interprétait Desdémone…

Le personnage de Ruth Steiner n’a pas l’envergure des rôles précités, mais il fait un peu la synthèse de ce qu’a été Uta Hagen pour le théâtre américain: à la fois une artiste d’exception et un grand prof qui, depuis 1947, a généreusement sacrifié un peu de sa prestigieuse carrière pour former des générations d’acteurs. Conventionnelle mais non dénuée d’intelligence et d’habileté, la pièce de Donald Margulies observe en effet la progression des relations affectives et intellectuelles tissées entre une auteure vieillissante et son élève prometteuse, qui culmineront par une accusation de trahison. Le texte cerne plusieurs thèmes, le "vol" intellectuel, certes, mais aussi les ravages du temps qui passe. Et, devant ce spectacle campé dans un décor hypernaturaliste, sur fond de ville en trompe-l’oeil, on a d’ailleurs un peu l’impression de voir un théâtre d’un autre âge…

En revanche, la direction de William Carden a la qualité de miser sur un jeu très physique: on y voit même Ruth frapper légèrement Lisa. Un rôle ingrat (il faut rendre le personnage au moins aussi attachant qu’irritant) que Lorca Simons défend avec une intense conviction. Même qu’elle en met un peu trop dans la problématique première scène, alors que sa Lisa tapageuse et fébrile à l’excès fait trop basculer la pièce du côté comique.

D’autant que sa partenaire, elle, opte pour un jeu sobre, nuancé, sans théâtralité affectée, où jamais les coutures ne paraissent. De sa voix profonde, la fringante octogénaire (elle enfile ses huit représentations par semaine!) compose une Américaine mal fagotée mais à l’intelligence acérée, à qui elle donne une humanité bourrue et sardonique, déposant, dans un glissement imperceptible, une couche de plus en plus grande de vulnérabilité, pour finir endeuillée par la déception, la hargne et la fragilité.

Dans un genre hyperréaliste, Uta Hagen prête à sa Ruth des accents presque familiers. On a l’impression d’être niché dans un coin de son salon. C’est de l’art sans ostentation, à l’échelle humaine. Ce qui est la marque des grands.

Jusqu’au 28 septembre
Au Centre Saidye Bronfman
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