Le Petit Köchel : Un auteur en quête de drame
Scène

Le Petit Köchel : Un auteur en quête de drame

Le public a le choix entre deux réactions face à la dernière création de Normand Chaurette: résister ou embarquer! Au départ, rarement une pièce ne m’a semblé aussi froide, précieuse et austère que ce Petit Köchel à l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 30 septembre dans une production du Théâtre Ubu. Mais j’ai finalement trouvé un certain plaisir à suivre ce huis clos sur l’art et la  cruauté.

Le public a le choix entre deux réactions face à la dernière création de Normand Chaurette: résister ou embarquer! Au départ, rarement une pièce ne m’a semblé aussi froide, précieuse et austère que ce Petit Köchel à l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 30 septembre dans une production du Théâtre Ubu. Mais j’ai finalement trouvé un certain plaisir à suivre ce huis clos sur l’art et la cruauté rigoureusement (cliniquement?) mis en scène par Denis Marleau, magistralement interprété, et soutenu par l’excellent travail des concepteurs: les costumes de François Barbeau, le décor de Michel Goulet ainsi que les éclairages de Martin Labrecque.

Avec cette deuxième collaboration après Le Passage de l’Indiana, on peut avancer que le couple Marleau/Chaurette forme un cas à part dans le paysage théâtral québécois. Voilà deux tempéraments artistiques obsessionnels, deux hommes qui ont pris le parti d’un théâtre puriste et formaliste au détriment, parfois, de l’émotion. Mais jamais de la perfection esthétique.

À l’instar de sa pièce précédente (le décevant Stabat Mater), on retrouve avec Le Petit Köchel un terme cher à Chaurette (et sûrement à Marleau): l’enfant sacrifié à l’autel de la perfection artistique. L’argument de cette création: l’artiste est condamné à répéter pour arriver à un résultat. En musique comme au théâtre et même dans la vie, la répétition serait donc un mal nécessaire, donnant un sens à l’absurdité de l’existence. Mais à quel prix?

Assises en rang au centre de la scène, toutes de noir vêtues et identiquement coiffées, quatre femmes négocient avec "leur" fils enfermé à la cave. Celui-ci menace de se pendre! La raison? Ces femmes, deux musicologues et deux musiciennes obsédées par Mozart (étonnamment, on n’entend aucune note musicale, de Mozart ou de quiconque, durant la représentation), ont négligé leur rôle de mère au profit de leur carrière.

Cette cérémonie des adieux se conclut avec les préparations d’un rituel cannibale, une histoire incompréhensible et passablement faible. La force du théâtre de Chaurette n’est pas dans le sujet mais dans la structure de ses textes. Requiem (Fête d’automne), stabat mater, opéra (Je vous écris du Caire), le dramaturge s’inspire de ses connaissances musicales pour construire ses pièces. Ici, grâce au travail impeccable du quatuor d’actrices (Louise Bombardier vive et précise; tout comme Christiane Pasquier qui fait d’une grande sensibilité; Louise Laprade, d’une incroyable autorité et gravité sur scène; et Ginette Morin, en contrepoint drôle et légère), le texte de Chaurette prend son envol. Et le spectateur peut se laisser emporter par cette fascinante musique des mots, qui a parfois les accents de l’oeuvre de Thomas Bernhard, un autre virtuose de la plume, avec lequel Chaurette a une audible parenté.

Hélas, il y a un bémol. Le dramaturge autrichien puisait dans l’inconscient collectif d’un peuple marqué par les guerres, les dynasties et le nazisme. De son côté, depuis Les Reines (1991), Normand Chaurette semble un dramaturge en panne de drame. Personnel ou collectif. Son théâtre est devenu un exercice de style qui rappelle le travail des dentellières. C’est beau, de la dentelle. Et, ma foi, c’est admirablement exécuté. Mais ça n’a jamais fait pleurer un homme ou une femme.

Jusqu’au 30 septembre
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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