Farce : Langues vivantes
Scène

Farce : Langues vivantes

On imagine mal la plus récente pièce de théâtre du Québécois d’adoption Michael Mackenzie créée ailleurs qu’à Montréal. Cette comédie dénonciatrice et divertissante réunit, sur une même scène, des anglophones et des francophones, qui s’expriment dans un bilinguisme à rendre jaloux Stockwell Day…

On imagine mal la plus récente pièce de théâtre du Québécois d’adoption Michael Mackenzie créée ailleurs qu’à Montréal. Cette comédie dénonciatrice et divertissante réunit, sur une même scène, des anglophones et des francophones, qui s’expriment dans un bilinguisme à rendre jaloux Stockwell Day… Cette Farce orchestrée par Omnibus et Infinitheatre offre de tout, pour tous; elle plaira autant aux citoyens engagés qui apprécient le théâtre politique qu’à ceux qui préfèrent la légèreté de la pantalonnade. Sans parler de ceux qui ont un faible pour l’"art du corps" qui a fait la renommée d’Omnibus…

Ceci dit, 10 personnes s’exprimant constamment en "franglais", ça devient rapidement aussi agaçant qu’un discours de Jean Chrétien. On comprend pourquoi le communiqué de presse de l’événement présente les comédiens comme les "dix interprètes les plus bilingues en ville"! Chaque réplique de ce melting-pot est dite à demi en français et à demi en anglais ou encore, entièrement dans les deux langues. Le bilinguisme pratiqué dans la création précédente d’Infinitheatre, Endgame/Fin de partie, m’avait semblé plus approprié: un soir en anglais, un soir en français. En procédant ainsi, les concepteurs de Farce auraient pu raccourcir de moitié leur spectacle, qui dure deux longues heures.

En fait, le propos de Farce est si touffu qu’on se demande comment le résumer… Disons simplement que, à l’époque de la Grèce antique, des comédiens jouent sous nos yeux une pièce d’Aristophane, dans laquelle de grands penseurs, tels Socrate et Isocrate, confrontent leurs visions de l’art théâtral. Au coeur de la pièce, il y a le débat qui oppose Socrate (Marie Lefebvre) à Isocrate (Lawrence Smith) et Polus, son élève dévouée (Jennifer Morehouse). Qui est le plus convaincant, se demandent-ils: le communicateur capable de parler de sujets qu’il ne connaît pas, ou le spécialiste qui s’exprime avec moins d’aisance? Encore aujourd’hui, la question se pose…

Paul Ahmarani se distingue du reste de la distribution par la fougue qu’il insuffle à Xanthias, l’assistant d’Aristophane. Le jeune comédien, qui a été maître de cérémonie pour le Cirque du Soleil à Las Vegas, a une bouille de clown et un grand sens du comique. Frank Fontaine incarne avec grâce et vulnérabilité un Aristophane vieillissant, tandis que les saltimbanques (Sonia Côté, Jacques E. Le Blanc, Charles Préfontaine et Laura Teasdale) se révèlent d’excellents musiciens. Le metteur en scène Jean Asselin a, quant à lui, travaillé avec une extrême minutie. Dans Farce, la précision du jeu contraste avec l’opacité du propos.

Rappelons qu’un Aristophane avait déjà foulé les planches de l’Espace Libre la saison dernière, lors de l’atelier Les Clones du NTE. Alexis Martin et Jean-Pierre Ronfard souhaitaient alors que "dans toutes ses divagations, ses joyeuses cochonneries et ses envolées lyriques, Aristophane interpelle le public pour lui parler de choses légères et de choses graves". S’il se montre trop bavard, l’Aristophane mis en scène par Jean Asselin joue exactement le même rôle d’allumeur de consciences. Décidément, le grand théâtre de l’histoire offre des personnages d’une richesse inépuisable…

Jusqu’au 14 octobre
À l’Espace Libre
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