L’Éclat de soie : Toucher du regard

"Pourquoi faut-il à tout prix être normal?" demande la protagoniste de L’Éclat de soie, une fétichiste de ce tissu caressant. En effet. La production du Théâtre Le Boléro pose la question troublante de l’identité sexuelle profonde, entravée par les rigides carcans moraux d’une société puritaine.

Librement inspirée des écrits du docteur Gaëtan Gatian de Clérambault, un neuropsychiatre du début du XIXe siècle, la pièce de Mario Borges tisse une assez belle relation entre deux personnages fragilisés par leur sexualité illicite: Marie, une voleuse de soie qui atteint le septième ciel en se frottant avec cette étoffe, et son psychiatre, un homosexuel refoulé qui admire et envie chez sa patiente son "courage d’accepter" sa marginalité. Et sa passion.

Voyeurs, passez votre chemin: malgré quelques évocations plus sensuelles jouant sur la transparence des tissus, sur les projections vaporeuses du vidéaste Francis Laporte, la lascivité mélancolique des cordes ou les voix aériennes de la musique signée Marie Philippe, la pièce explore plutôt les replis secrets du désir avec délicatesse et sensibilité, par le biais d’un onirisme discret. Beaucoup d’efforts ont été mis du côté de la conception formelle, qui donne dans un impressionnisme éthéré.
Dans l’ensemble, un travail soigné, sinon entièrement convaincant, porté par le jeu nerveux, vibrant et épidermique de Sonia Auger-Guimont – mais parfois trop exacerbé, là où une plus grande intériorité aurait été requise. Son compagnon, Jean-Guy Viau, paraît un peu terne dans un rôle plus en retrait.

L’Éclat de soie est un spectacle plutôt lent, atmosphérique, qui veut plonger au coeur de l’intimité obscure de ses personnages. À cet égard, la dernière scène, celle des retrouvailles entre la femme libérée et le docteur toujours prisonnier de ses interdits, semble longuette et trop explicative. Comme si en dévoilant ce qui était tacite jusque-là, on rompait un peu avec le ton d’un spectacle qui se voulait surtout introspectif et suggestif. Plus soie qu’éclat.

Jusqu’au 7 octobre
Au Théâtre Prospero
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