Conte du jour et de la nuit : La bête humaine
Scène

Conte du jour et de la nuit : La bête humaine

Au fil des ans, quelques pièces de théâtre jeune public sont venues enrichir le répertoire québécois, dont la magnifique Conte du jour et de la nuit, de Suzanne Lebeau, reprise ces jours-ci à Montréal.

Au fil des ans, quelques pièces de théâtre jeune public sont venues enrichir le répertoire québécois, dont la magnifique Conte du jour et de la nuit, de Suzanne Lebeau, reprise ces jours-ci à Montréal. Créée en 1991, puis présentée un peu partout au Québec, ainsi qu’en tournée en France et dans quelques villes du Rest of Canada, cette tragédie pour les petits (de 4 à 8 ans) ouvre avec éclat la saison automnale de la Maison Théâtre. Et c’est avec joie – si je me fie aux commentaires entendus dimanche dernier – qu’une nouvelle génération de bambins se fait raconter la tendre (et indémodable!) histoire d’une amitié pas comme les autres, celle de Troller, le géant simplet, et d’Alfredo, le rongeur mal-aimé.

"Il était une fois…" Ainsi débute ce conte, joué dans un immense livre d’histoires dont chaque page révèle ingénieusement un nouveau décor. Après une courte intro de la narratrice Linda Laplante, un rat bougon et enrhumé (Jean-Guy Viau) s’échappe de la première page du bouquin, traînant dans un sac les déchets qu’il a chipés ici et là durant la nuit. Il classe ses trouvailles et tente de se soigner en rongeant une énorme pastille. Une goutte lui tombe sur la tête; c’est Troller, le géant (François Trudel), qui a le vague à l’âme. La rencontre de ces deux mal-aimés donne lieu aux meilleurs moments de la pièce, faisant vibrer la salle de nombreux et sonores éclats de rire…

La rigolade cède la pas au recueillement quand, pour tenter de guérir le rat qui croupit dans son trou humide, le géant s’empare du soleil, provoquant des cataclysmes et brûlant la rétine de son compagnon. Avec cette histoire tragi-comique (dont les personnages du petit futé et du grand dadais rappellent ceux imaginés par Steinbeck dans Des souris et des hommes), Suzanne Lebeau démontre qu’on peut réfléchir sur l’exclusion, la tolérance et le respect sans se priver du plaisir de rigoler un bon coup. Pas de happy-end ici, mais un final crédible. "Chaque chose à sa place", dit, en guise d’adieu, le rat à son ami le géant…

Le Conte… (que Suzanne Lebeau a adapté d’une autre de ses oeuvres, Comment vivre avec les hommes quand on est un géant) est mis en scène avec sensibilité par Gervais Gaudreault. Ce dernier a visiblement développé avec le temps des atomes crochus avec l’écriture poétique de l’auteure jeune public, avec qui il a cofondé Le Carrousel il y a tout de même… un quart de siècle! Sous la direction de Gaudreault, les comédiens évitent le cabotinage et jouent sans outrance. Les éclairages travaillés et les accessoires fantaisistes ajoutent à la qualité de ce spectacle monté par des créateurs qui ont compris que les enfants peuvent, eux aussi, apprécier les subtilités de l’art théâtral…

Jusqu’au 22 octobre
À la Maison Théâtre