Hélène Pedneau : La Déposition
Scène

Hélène Pedneau : La Déposition

C’est une histoire implacable d’amour et de haine que cette Déposition d’Hélène Pedneault. Profondément belle.

Première partie: interrogatoire, dans le bureau de l’inspecteur. Matériel vidéo et rétroprojecteur, une chaise, une longue table; froideur clinique, accentuée par les couleurs et l’éclairage, polaires. L’inspecteur et Léna Fulvi, accusée du meurtre de sa mère, se font face, tournent comme des fauves autour de la table mobile. Deuxième partie: rencontre, dans la cellule de l’accusée. La table est devenue lit; réchauffement des couleurs. Dans cet espace se rejoignent les deux personnages. Et enfin, l’émotion tapie dans le texte explose et porte, immense.

Cette émotion brute et puissante confirme un certain malaise ressenti avant l’entracte. L’impression, pendant l’interrogatoire, que la mise en scène nuit à l’intensité de l’échange par les mouvements de la table, les images projetées et la vidéo. Même si plusieurs idées sont intéressantes, leur superposition embrouille un sens autrement limpide.

Les appareils et la froideur du début illustrent bien la "dissection" opérée par l’enquête. La table, qui peut tourner, monter et descendre, et que Léna Fulvi utilise, notamment, comme une barrière entre elle et l’inspecteur, figure le rapport de force entre les deux personnages. Mais son mouvement fréquent, les déplacements constants des acteurs, s’ils montrent les esquives de l’un et la chasse de l’autre, finissent par agacer.

Dans le programme de la pièce, Patric Saucier écrit: "Il existe bien peu de souvenirs aussi denses que l’enfance." Par la projection de dessins d’enfants et de photos, par quelques apparitions des soeurs de Léna Fulvi en poupées figées, au visage fait d’un dessin d’enfant, le metteur en scène montre bien la plongée de l’accusée dans son passé, à la recherche des causes de ce qu’elle nomme "un accident en différé". Car Léna Fulvi affirme: "C’est long l’enfance, vous savez… C’est une prison à sécurité maximum." La déposition des deux soeurs, à la fois sur scène et en vidéo, est aussi très éloquente, la présence physique des comédiennes permettant de saisir plus finement leurs émotions que leur image seule.

Dommage toutefois que l’ensemble pèche par excès. Là où le texte se suffit presque à lui-même, les effets, pour porteurs de sens qu’ils soient, distraient souvent. La force même des mots semble exiger une mise en scène dépouillée, avec les comédiens pour seuls écrins. Le texte est superbe, et les interprètes, Marie Gignac en Léna Fulvi tendue et rebelle, Denis Lamontagne en inspecteur doux et un peu las, assez puissants pour le porter.

Jusqu’au 14 octobre
Au Théâtre de la Bordée