L'Hôtel des horizons : Autant en emporte le vent
Scène

L’Hôtel des horizons : Autant en emporte le vent

Ils incarnent 4 solitudes larguées au bord de la mer, dans une chambre d’hôtel avec vue sur l’immense horizon de la douleur humaine. Pendant une journée, enivrés par le vent du large, ils vont se confesser, se juger, se craindre, se battre, se perdre, se retrouver et s’aimer. Puis, ils retourneront à leur solitude. Ainsi va la vie, va.

Ils incarnent 4 solitudes larguées au bord de la mer, dans une chambre d’hôtel avec vue sur l’immense horizon de la douleur humaine. Pendant une journée, enivrés par le vent du large, ils vont se confesser, se juger, se craindre, se battre, se perdre, se retrouver et s’aimer. Puis, ils retourneront à leur solitude. Ainsi va la vie, va.

Qui sont ils? Steven, un adolescent tourmenté, qui a fui Québec et la prostitution pour aboutir dans cet hôtel désert en Gaspésie. Steven (Maxime Denommée) y rencontrera: la propriétaire de l’hôtel (Louison Danis); sa soeur, une vendeuse Avon qui carbure à l’argent (Monique Spaziani); et le mari de cette dernière, un vieux prolo nostalgique de Che Guevara, dont la mort est imminente (Pierre Collin).

Ces 4 personnages de L’Hôtel des horizons, de Reynald Robinson, à l’affiche de l’Espace Go, sont, selon moi, parmi les plus émouvants de la création québécoise post-Bouchard et post-Tremblay. Avec, bien sûr, les personnages tendres-amers des pièces de Serge Boucher. Malgré des caractères très différents les uns des autres, ces êtres se ressemblent avec leur sensibilité maladive et leur incapacité à réaliser leurs rêves. Ils sont aussi unis dans leur désespérance, farouchement convaincus "qu’il y a du monde qui s’acharne à gâcher nos vies…"

Après avoir joué dans plusieurs spectacles et dirigé le Théâtre du Gros Mécano, Reynald Robinson a senti le besoin d’écrire des oeuvres plus personnelles en 1997. Après La Salle des loisirs, cet auteur arrive à nouveau, avec L’Hôtel des horizons, à enrichir le panorama de notre dramaturgie. L’auteur apporte, entre autres, un regard neuf sur l’angoisse sourde qui résonne au creux de l’âme des hommes de 50 ans qui ont connu la désillusion de la liberté. À quoi sert leur liberté, se demandent les personnages de L’Hôtel des horizons, si, au bout du compte, ils sont incapables de se libérer de leurs peurs, de leurs obsessions et de leur malheur? À la fin, ils réaliseront que pour se libérer de soi, il faut savoir se donner aux autres.

Comme bien des hommes blessés par la vie (il avoue dans le programme que ce texte est trop près de lui pour en parler), Reynald Robinson aime rire des travers de la nature humaine. C’est probablement pour cette raison que son écriture affiche un mélange de genres pas toujours heureux. L’auteur passe de l’hyperréalisme au vaudeville. Sa pièce fait fi de la vraisemblance dans le récit ou dans l’argument dramatique. Elle mêle les clichés véristes aux répliques loufoques ou absurdes. Sans oublier qu’elle peut tomber dans des excès de sentimentalité.

Heureusement, la mise en scène de Claude Poissant réussit presque à faire oublier ces faiblesses d’écriture et de structure. Et surtout bravo pour sa formidable direction d’acteurs. Du jeu des quatre comédiens, je m’en voudrais de ne pas attirer votre attention sur l’éblouissante performance de Monique Spaziani. Je ne l’ai jamais vue jouer avec autant d’énergie et de truculence sur les planches ou au cinéma. Elle arrive à rendre terriblement humain et complexe un personnage qui, dans les mains d’une comédienne moins habile, aurait pu devenir banal et caricatural. C’est du grand art.

Le jeu sec et nerveux de Maxime Denommée, la rigueur de Pierre Collin et la démesure de Louison Danis rendent aussi bien justice aux autres personnages. Soulignons également le décor d’Olivier Landreville bercé par les magnifiques éclairages d’André Rioux, qui contribuent à faire de cette coproduction du Théâtre PàP et du Théâtre Les gens d’en bas un des beaux moments de la création québécoise cette année.

Jusqu’au 21 octobre
À l’Espace Go