Patrick Huard : Le jeu de la vérité
Scène

Patrick Huard : Le jeu de la vérité

Six ans après la création de son premier one man show, PATRICK HUARD est de retour sur les planches avec Face à Face, un spectacle qui écorche tout le monde au passage. Même la star.

Derrière tout grand comique, se trouve un misanthrope caché. L’aversion des humoristes pour leurs semblables se manifeste par des blagues bien envoyées n’épargnant personne au passage. Après tout, de Lenny Bruce à Pierre Palmade, en passant par Andy Kaufman, ceux qui font une carrière de se moquer des travers des autres doivent trouver la nature humaine assez risible.

Avec Face à Face, son nouveau spectacle présenté à guichets fermés depuis jeudi dernier au Monument-National (on annonce des supplémentaires en février 2001, au Théâtre Saint-Denis), Patrick Huard met cartes sur table. "Ça ne me tente pu!" lance-t-il d’emblée en ouverture. Ça ne lui tente pu de faire semblant que tout va bien dans sa vie, qu’il aime les journalistes à potins, qu’il veut plaire aux féministes, qu’il lit Voir toutes les semaines. L’humoriste a décidé d’être honnête à tout prix. Et la vérité n’est pas toujours plaisante à entendre.

Six ans après la création de son premier one man show, Patrick Huard remonte finalement sur scène. Toujours aussi franc, baveux, cru et drôle qu’à ses débuts. Mais quelques millions de dollars, quatre films, deux téléséries, une famille et un divorce ont donné de la maturité à l’homme de 31 ans. Sa vision des choses a gagné en profondeur. Et le portrait qu’il peint de ses contemporains est assez sombre, si on en juge par les thèmes abordés dans Face à Face: sexisme, racisme, divorce, adultère, mensonge, cynisme, lâcheté, appât du gain, etc. L’humoriste y va même d’un (très long) numéro sur la mort imminente d’un ami atteint du cancer. Pas très rigolo comme sujet…

Toutefois, Huard ne juge pas seulement les autres. Il a eu l’intelligence de parler de ses propres défauts, dont son mauvais caractère et son côté fendant. Il expose également les détails de sa vie privée très médiatisée sans fausse pudeur (il revient à plusieurs reprises sur le coût de la pension qu’il verse à son ex-femme, Lynda Lemay; et on entend durant le spectacle la voix sur bande de son actuelle conjointe, Véronique Cloutier).
En deuxième partie, Huard va à la confesse et se met encore plus à nu: "Je m’accuse d’avoir pensé à une autre fille en faisant l’amour avec ma blonde. Par contre, j’ai déjà pensé à ma blonde en faisant l’amour avec mon ex-femme. Est-ce que ça s’annule?" Difficile d’être plus honnête que ça…

Au-delà du contenu, la performance scénique de Patrick Huard retient aussi l’attention tout au long du show. Avec l’expérience et le coaching, sa technique de jeu s’est nettement améliorée. Charismatique, survolté, possédant un excellent sens du timing, l’humoriste s’avère aussi un bon comédien qui puise dans un vaste registre d’émotions.

La mise en scène est l’oeuvre de son producteur et ami François Flamand. Assez réussie dans l’ensemble, elle exige toutefois de l’humoriste de nombreux déplacements avec lesquels il ne semble pas toujours à l’aise. L’impressionnant décor représentant des toits de gratte-ciel est signé Raymond-Marius Boucher, et la musique, Dan Bigras.

Ce Face à Face aurait pu être inégal si Huard n’avait pas été jusqu’au bout de son bilan existentiel. Vers la fin du show, au moment où l’humoriste semble gonflé à bloc par son ego démesuré, il grimpe au sommet du décor. Là-haut, il soulève son chandail pour bien nous montrer son bourrelet à la taille. Ensuite, il baisse ses culottes: "Regardez! J’ai pas de fesses. Je pourrais prendre un peu de gras de mon tire pour grossir mes fesses…"

Rires de soulagement dans la salle: cet homme grand, beau, millionnaire, talentueux et amoureux de l’animatrice la plus populaire au Québec, devient soudainement imparfait. On comprend alors la raison du succès de Patrick Huard, cette star qui arrive à nous faire rêver tout en exposant sa vulnérabilité et son besoin d’amour.
Comment dit-on à Hollywood… It’s lonely at the top?

Jusqu’au 21 octobre
Au Monument-National
En supplémentaires du 27 février au 10 mars 2001
Au Théâtre Saint-Denis