Boris Charmatz : L’enfant prodige
Boris Charmatz tient-il du prodige? Sa première chorégraphie, À bras le corps, fut créée alors qu’il n’était âgé que de 19 ans, en collaboration avec Dimitri Chamblas, lui-même âgé de 17 ans! Au moment de la création d’Aatt Enen Tionon, en 1996, le chorégraphe français n’avait que 23 ans et dansait depuis quelques années déjà pour les chorégraphes Régine Chatelot et Odile Duboc. Dès ses débuts, Aatt Enen Tionon secoue la critique et le public. Et ce trio pour le moins extraordinaire, qui ne respecte en rien les conventions de la danse contemporaine, bouclera très bientôt la série Danses à l’Usine.
Boris Charmatz
tient-il du prodige? Sa première chorégraphie, À bras le corps, fut créée alors qu’il n’était âgé que de 19 ans, en collaboration avec Dimitri Chamblas, lui-même âgé de 17 ans! Au moment de la création d’Aatt Enen Tionon, en 1996, le chorégraphe français n’avait que 23 ans et dansait depuis quelques années déjà pour les chorégraphes Régine Chatelot et Odile Duboc. Dès ses débuts, Aatt Enen Tionon ("Attention" prononcé comme dans un éternuement!) secoue la critique et le public. Et ce trio pour le moins extraordinaire, qui ne respecte en rien les conventions de la danse contemporaine, bouclera très bientôt la série Danses à l’Usine.
Hasard? Le spectacle de fermeture partage des points communs avec le spectacle de Benoît Lachambre, qui inaugurait la série voilà quelques semaines: des danseurs performeurs presque nus, situés à proximité d’un public partagé entre la gêne et la fascination. À la différence près que l’oeuvre de Charmatz semble plus maîtrisée, plus profonde. Formé à l’école de danse de l’Opéra de Paris, le jeune artiste a appris le vocabulaire contemporain au sein des centres chorégraphiques. Comme Benoît Lachambre, il a approfondi les techniques de l’improvisation auprès de la Belge Meg Stuart, notamment. "À l’époque de la création d’À bras le corps, Dimitri et moi n’avions pas envie de suivre l’itinéraire habituel des chorégraphes: étudier la danse, être interprète, chorégraphier et finir ensuite comme inspecteur au ministère, explique en riant Boris Charmatz, joint sur son portable la semaine dernière à Paris. On avait envie de faire un projet sans attendre d’en avoir la maturité."
Quatre ans plus tard, le chorégraphe poursuit son chemin sans son compagnon de route, engagé dans d’autres projets. Naît alors Aatt Enen Tionon. Sur un étroit échafaudage d’une dizaine de mètres, trois danseurs dont Charmatz, vêtus uniquement d’un t-shirt, exécutent des solos en silence. Placé chacun sur un palier, ils ne se voient pas et n’ont aucun contact entre eux. Pendant une quarantaine de minutes, le public entoure le trio, se déplace à volonté, privilégiant du regard l’une ou l’autre des prestations.
Selon Charmatz, l’idée de départ consistait à isoler les protagonistes, à diviser le corps et à supprimer la musique. Bref, à contourner les règles qui unissent les danseurs entre eux. "On n’a pas fait ça juste pour changer les règles, précise Boris Charmatz. Mais aussi pour redonner un potentiel de significations à la danse qui s’est perdue à force de trop vouloir tirer les ficelles du spectacle." Plus tard, le chorégraphe affirmera que la création d’Aatt Enen Tionon se voulait un pied de nez à la montée de l’extrême droite française. "J’ai fait un choix très net: construire une pièce qui ne soit pas appréciée par la Mairie de Paris!"
La pièce de Charmatz suscite des commentaires contradictoires parmi la critique. À l’époque, on insistait beaucoup sur la nudité et la violence du langage. On soulignait aussi "une danse extrêmement travaillée, précise, d’apparence brute mais ciselée et requérant le muscle le plus caché" (Libération). "Ma danse éveille une gamme infinie de réactions. Une partie du public juge Aatt Enen Tionon érotique, alors que l’autre partie, pas du tout. C’est vraiment une question personnelle. Aujourd’hui, les spectateurs parlent plus de la qualité de l’écoute entre les danseurs et eux."
Charmatz croit par ailleurs que le public se formalise désormais beaucoup moins avec la nudité et la structure du spectacle, reprises depuis par d’autres chorégraphes. "Aatt Enen Tionon est plus un jeu d’investissements, de tensions et de réactions que de formalisme. J’improvise beaucoup; Vincent Druguet, qui est juste au-dessus de moi, un peu moins; et Julia Cima, presque pas car ce serait trop risqué pour elle."
Depuis 1996, Boris Charmatz a signé deux autres chorégraphies à la fois semblables et différentes. Dans l’une, les protagonistes sont nus mais coiffés d’une perruque; alors que dans l’autre, ils sont masqués et vêtus de pied en cap. "Je ne fais que continuer de creuser la remise en cause de nos habitudes", dit-il.
Le dernier programme de la série Danses à l’Usine comprend aussi la projection d’un film de César Vayssié, réalisé à partir de la deuxième oeuvre de Charmatz et Chamblas, Les Disparates. Contrairement à nombre de chorégraphes, Boris Charmatz entend danser ses oeuvres encore longtemps. Caprice de prodige? "J’ai vraiment envie de vieillir avec elles, voilà!"
Du 25 au 29 octobre
À l’Usine C
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Retour de La La La Human Steps
Créée et présentée à Montréal voilà deux ans, Exaucé du chorégraphe Édouard Lock sera à l’affiche de la salle Wilfrid-Pelletier ce week-end, au terme d’une tournée qui aura conduit la compagnie dans plus de 60 villes. Fidèle à sa tradition, La La La Human Steps bouclera sa tournée dans les villes ayant accueilli les premières représentations de son dernier spectacle (après Montréal, ce sera au tour du Théâtre de la Ville à Paris de recevoir Édouard Lock et ses danseurs).
Exaucé aurait énormément évolué depuis sa création: les duos et trios desquels faisait partie la danseuse Louise Lecavalier (retirée du spectacle après une année de tournée pour mener une carrière indépendante) ont été supprimés, obligeant le chorégraphe à remanier la structure de son oeuvre déjà éblouissante.
Les 20 et 21 octobre
À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts
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