Wajdi Mouawad : Enfant de coeur
Scène

Wajdi Mouawad : Enfant de coeur

Quand Serge Marois, directeur de l’Arrière Scène, a proposé à Wajdi Mouawad de concevoir une pièce pour les tout-petits, se doutait-il qu’il obtiendrait une sombre "tragédie pour enfants"?

Quand Serge Marois, directeur de l’Arrière Scène, a proposé à Wajdi Mouawad de concevoir une pièce pour les tout-petits, se doutait-il qu’il obtiendrait une sombre "tragédie pour enfants"? Pacamambo n’a, en effet, rien d’un conte de fées: la pièce met en scène une fillette (Julie) qui assiste au trépas de sa grand-mère, avant de se terrer durant trois semaines avec le cadavre. "Ce que je propose aux enfants, résume le dramaturge, c’est qu’on réfléchisse ensemble sur ce qui se passe quand meurt la personne qu’on aime le plus au monde."

Avant Pacamambo, il y a eu Alphonse, un solo que Wajdi Mouawad a adapté pour les jeunes à la demande de Serge Marois, et qu’il a joué (il y interprétait 35 personnages!) durant quatre ans. Une expérience marquante. "Une fois, je me suis produit devant une salle de 300 petits de six ans, c’était terrible! J’aurais pu dire le bottin téléphonique, ça aurait fait pareil! Mais j’ai aussi vécu des expériences magnifiques auprès d’enfants plus éveillés. Quand Serge m’a proposé d’écrire une autre pièce, je savais que je voulais m’adresser aux neuf ans et plus."

En résidence à l’Arrière Scène en 1996-1997, Wajdi Mouawad accouche d’une première version de la pièce, qui se déroule… en plein génocide rwandais. "Je pense que Serge n’a pas beaucoup aimé! lance-t-il en riant. Je voulais que les enfants québécois puissent entendre parler du Rwanda, qu’ils se sentent responsables, ensemble, de ce qui s’y passait. Mais j’ai compris qu’il valait mieux faire quelque chose de plus personnel, de plus individuel. Pacamambo (du nom de l’Eldorado imaginé par la grand-mère de Julie) met donc en scène un individu confronté à la mort, qui essaie de comprendre."

À première vue, la pièce semble être une version jeune public de Littoral, puisqu’elle présente (elle aussi) un enfant aux prises avec la dépouille d’un parent, accompagné d’une créature fantaisiste (ici, le chien) qui dialogue avec le mort. Mais la pièce s’inspire également des dernières pages de La Vie devant soi, de Romain Gary et de Voyage au bout de la nuit, une adaptation de Mouawad dans laquelle Chantal Dumoulin (qui sera la grand-mère de Julie) incarnait l’aïeule du petit Ferdinand…

La création présentée par le Centre dramatique pour l’enfance et la jeunesse en Montérégie (la nouvelle appellation de l’Arrière Scène) tiendra l’affiche à Beloeil une courte semaine, avant de partir en tournée. Peut-on parler de mort aux enfants sans effrayer leurs parents? Wajdi Mouawad se défend bien de jouer les provocateurs. "Est-ce qu’il y a des thèmes interdits aux moins de dix-huit ans? Ce qui m’intéresse, c’est de réfléchir à ce qu’on peut faire quand on apprend qu’une personne chère ne nous aime plus, ou qu’elle est morte. C’est comme si la vie nous mettait entre les mains un objet biscornu et brûlant, très difficile à tenir. Cet objet, c’est notre peine. On l’a dans nos mains, et, à un moment donné, il faut bien en faire quelque chose. On peut en faire une force, et s’en servir pour créer…"

Du 24 au 29 octobre
Au Centre culturel de Beloeil