Yvon Deschamps : Les grandes retrouvailles
Quand Yvon Deschamps s’installe pour un bon bout de temps au Corona, même s’il a insisté pour que les journalistes ne soient pas conviés avec trop d’empressement, on y va, on y court!
Depuis ses débuts, Yvon Deschamps remanie ses numéros, alterne l’ancien et le nouveau matériel, et vit, chaque fois qu’il monte sur scène, de terribles angoisses. Il y a quelques années, quand il est devenu propriétaire du Manoir Rouville-Campbell, alors qu’il venait d’entamer la soixantaine, il annonçait son intention de "prendre ça cool"… Moins de scène, un peu de repos. Mais ça lui a manqué, et il n’a pas résisté. On a pu le voir à quelques reprises, mais il fallait se rendre au Manoir.
À Montréal, le dernier spectacle, U.S. qu’on s’en va, remonte à 1992. Un retour "en ville" est donc un événement, et quand Yvon s’installe pour un bon bout de temps au Corona, même s’il a insisté pour que les journalistes ne soient pas conviés avec trop d’empressement, on y va, on y court. Parce qu’il est LA référence, et parce qu’on est attaché à lui, tout simplement. Deschamps (est-ce pareil pour vous?), c’est beaucoup notre enfance, les disques en vinyle qu’on était donc content d’offrir à papa à Noël, et surtout qu’on écoutait en famille, ravi et rassuré par les rires des adultes. Légitime sentimentalisme.
Ce qui est bien, c’est que le retour d’Yvon Deschamps dépasse la joie des souvenirs chaleureux. Son nouveau spectacle, Comment ça, l’an 2000, est une leçon. Non seulement l’humoriste est-il en forme; mais, franchement, il n’a rien perdu de ce qui a fait sa marque et notre délice: l’art de faire friser les oreilles. Toujours sur le bord de ce qui ne se dit pas. En vérité, si on fait le calcul, il y a, dans ce spectacle, 65 % de nouveau matériel qu’il entrelace à ce qu’on retrouve avec plaisir. Ça coule, c’est fluide, mais ça mord. Les vieux, la surpopulation, les dangers d’une imminente fin du monde, le nationalisme, la loi 101, la violence, les belles-mères envahissantes, les épouses insatisfaites – durant une heure 45, (sans rappel, on est prévenu), on se fait varloper comme on aime. Et on est les premiers étonnés de constater que, oui, ça existe encore, un humoriste qui fait tout ça sans décor, sans costumes, sans effets spéciaux, sans musique, sans une pléiade d’auteurs. Tout seul. Tout seul et bon, et efficace, et allumé.
Le soir de la première, le public, pas mal gagné d’avance, était surtout composé de têtes grisonnantes qui, par fidélité, ne rateraient aucun retour de leur humoriste préféré. Ils sont sortis contents et satisfaits. Ravigotés. Maintenant, il faudrait bien que les plus jeunes s’y frottent aussi, pour constater que LA référence demeure, et qu’il ne s’agit pas ici d’une formule creuse. De Maxime Martin à Patrick Huard, tous ceux qui font de l’humour sur scène aujourd’hui, se réclament d’Yvon Deschamps. Le retour aux sources s’impose en hommage à celui qui a défriché le terrain bien sûr; mais aussi, surtout, parce que le pionnier brille encore, et sans complaisance.
Vous n’y êtes pas allé, au Manoir, c’était trop loin, vous étiez occupé à autre chose, persuadé que pendant ce temps-là Yvon Deschamps cultivait ses tomates… Eh bien, c’est le temps des retrouvailles. Vous verrez, ça fait tellement de bien!
En supplémentaires du 5 au 16 décembre
(Autres supplémentaires prévues en 2001)
Au Corona