France Léa : Drôle de dame
Scène

France Léa : Drôle de dame

Elle a le gabarit de Piaf, et évolue plus ou moins dans le registre de Devos, géant auquel le journal Le Monde l’a d’ailleurs déjà comparée. Au Québec, où France Léa s’est produite quelques fois depuis 1997, certains ont plutôt vu en elle une cousine française de Clémence DesRochers.

Elle a le gabarit de Piaf, et évolue plus ou moins dans le registre de Devos, géant auquel le journal Le Monde l’a d’ailleurs déjà comparée. Au Québec, où France Léa s’est produite quelques fois depuis 1997 (aux Îles-de-la Madeleine, dans la Vieille Capitale et ici, à l’Écart), certains ont plutôt vu en elle une cousine française de Clémence DesRochers.

Une chose est certaine: discrètement, cette grande petite dame aura su se gagner des adeptes chez nous. Après une première série de représentations de son spectacle épuré, qui file en une heure à peine sur les ailes des mots, elle le reprend à La Petite Licorne pour quelques soirs en novembre. (Un mois d’ailleurs propice aux drôles de dames, puisque Le Zest accueille ces jours-ci l’événement L’Humour au féminin – Mortes de rire. À voir, notamment: les 2 et 9 novembre, le Cabaret des jeudis du groupe, et le 8, la comédienne-humoriste Dorice Simon.)

En fait, difficile de définir France Léa. Même si ses textes font volontiers rire ou sourire, dans l’état actuel des choses – en France comme au Québec -, la traiter d’humoriste serait lui faire injure… "On dit beaucoup "poète", mais c’est insuffisant, parce que ça peut éloigner les gens: mon Dieu, comme ça va être sinistre ou ennuyeux…, rit doucement France Léa. Et le mot "humoriste" me gêne beaucoup, vu ce que c’est devenu depuis une dizaine d’années. C’est terrible, ça manque de beauté. Conteuse? Oui, mais alors de contes contemporains. Ce serait un peu tout ça, je crois."

Il faudrait inventer un nouveau mot pour elle. Et les mots, France Léa est tombée dedans quand elle était petite. Issue d’une famille bretonne très pauvre, passionnément éprise de récitations et de poésie ("c’étaient vraiment mes jouets") depuis sa tendre enfance, la sympathique artiste tourne autour des mots depuis 30 ans: chante, joue un peu, récite des poèmes, monologue. Et écrit énormément.

Entre autres, ces spectacles solos où remontent son regard candide, sa faculté d’étonnement hérités de l’enfance. "Je voudrais, ne serait-ce que pour une heure, que les gens aient un regard plus beau et plus aimant sur la vie. Et peut-être aussi une réflexion sur pourquoi on est là. Humblement, j’essaie juste de chanter la beauté du monde. Et d’avoir un regard un peu amusé sur certaines choses, comme la société de consommation, mais très discrètement. À la différence d’un humoriste, pour qui tout ce qui compte, c’est la chute, j’essaie de travailler chaque mot, pour créer de la beauté. Étaler la misère et la violence du monde, les médias le font déjà. Moi, c’est une part plus cachée, plus secrète des choses que je voudrais montrer."

France Léa fouille une dimension plus intemporelle, plus universelle. Véritable petit bijou de poésie du quotidien que ce bref spectacle, où l’on découvre la monologuiste en train de parler à son âme, divisée entre son "moi" et son "je" ; ou aux prises avec les différences facettes d’elle-même (elle se compare à un immeuble surpeuplé!). Au fil des thèmes, y affleure une douce critique du monde moderne. Ce monde où l’on est esclave de la publicité et du shopping, sous l’emprise des modes et des choses, s’agitant trop pour s’arrêter aux "grandes questions" existentielles… "Parfois, on n’est que dans le spectacle, dans l’actualité, et l’on oublie tout le reste. Il me semble qu’il est bon de prendre du recul de temps en temps. Mais je ne fais pas la leçon. Je voudrais juste qu’il y ait un tout petit déplacement du regard. Parce que l’adulation du progrès sous-entend qu’avant, tout était beaucoup moins bien. Ce n’était pas forcément le cas. Et puis, si je ne réussis pas à soulever cette interrogation, si les gens ont été heureux une heure en entendant quelques belles choses, c’est déjà pas mal."

C’est ce qu’offre France Léa: un temps d’arrêt, tendrement drôle, un rafraîchissement du regard. Au-delà des modes.

En supplémentaires les 5 et 6 novembre, ainsi que les 19 et 20 novembre
À La Petite Licorne