Sarah Chase : Femmes de paroles
Scène

Sarah Chase : Femmes de paroles

Muzz , de la chorégraphe Sarah Chase, révélation du Festival Dance Canada en juin dernier, sera enfin présentée à Montréal.

Du fond de la scène, une femme s’avance. Devant nous, elle commence à s’agiter. Dans l’espace, avec ses bras, elle dessine des formes imaginaires, gracieusement, de plus en plus fébrilement. Elle se met à parler. À raconter son arrière-grand-mère très vieille, fière et lucide. Les souvenirs remontent, doux, drôles et tristes, toujours d’une infinie tendresse.

Cette pièce, c’est Muzz, de la chorégraphe Sarah Chase, révélation du Festival Dance Canada en juin dernier, qui sera enfin présentée à Montréal.

Sarah Chase, Torontoise, a séjourné ici à quelques reprises alors qu’elle dansait pour Benoît Lachambre. C’est lui, face à son talent de conteuse et son humour, qui l’aurait encouragée à poursuivre dans cette voie: danser et parler. Chase se montre ravie de revenir, avec ici pour la première fois, son matériel à elle. "C’est une histoire vraie, la mienne, et ça relate exactement les deux seules fois où j’ai rencontré mon arrière-grand-mère, surnommée Muzz. J’avais 18 ans, elle, 97. Je pense que chacun, parce que c’est universel, peut trouver, reconnaître quelque chose de sa propre vie, dans ce que je danse et raconte…" Et en être bouleversé. Les critiques, au lendemain de la présentation à Ottawa, rapportaient que l’auditoire avait beaucoup ri… et beaucoup pleuré. On le croit, puisque même sur une bien ordinaire vidéocassette, la pièce se révèle profondément touchante, d’une étonnante simplicité, d’une magnifique accessibilité. "Cela me bouleverse aussi! Je sens que le public me donne quelque chose, qu’il y a un partage. Quand je danse Muzz, les gens viennent me voir ensuite pour me raconter leur histoire, leur famille, leur grand-mère. Ça déclenche quelque chose, comme une générosité, qui se vit dans les deux sens!"

Muzz est une chorégraphie séduisante par sa gestuelle fluide, mais aussi beaucoup par l’originalité de la présence d’une danseuse qui raconte. La voix n’est pas ici un objet sonore à explorer, mais sert de vraies paroles qu’on écoute, captivé. Rien d’abstrait, mais tout, sur le ton de la confidence, pour réussir à faire naître d’inoubliables images. Cette jeune fille qui coiffe son arrière-grand-mère squelettique mais irréductiblement coquette, cette quasi-centenaire qui, droit dans les yeux, lui répond que non, elle ne la verra jamais danser parce qu’elle mourra bien avant, on les voit, le regard tourné vers notre propre mémoire.
"C’est très important, la connexion entre les générations de femmes", souligne Sarah Chase, mais il y a d’autres histoires qui se greffent à celle-là, qui concernent les hommes de la famille. Ce n’est pas une chorégraphie seulement féminine! Ça traite de ce qu’on transmet, de ce dont on hérite. Et ce qui m’intéresse, me fascine, c’est comment les souvenirs et le corps peuvent s’interpeller, se stimuler. Quand je danse, les souvenirs remontent et affluent clairement, librement. À partir de là, c’est plus fort que moi, je suis mon instinct et je placote…"

L’invitation à ce spectacle émouvant et bienfaisant, on la lance aux amateurs, mais aussi, à ceux qui se disent peu attirés par la danse. Venez écouter, pour voir. Vous courez le risque d’être enchanté par cette monologuiste dansante qui quadrille l’espace et le silence avec ses bouffées d’enfance.

Dans le cadre de la Série des majeurs
Du 2 au 5 novembre
À Tangente