Being at Home with Claude : L'amour en fuite
Scène

Being at Home with Claude : L’amour en fuite

Luc Chapdelaine va chausser de grosses pointures pour ses (vrais) débuts sur une scène professionnelle montréalaise. Après Lothaire Bluteau, Marc Béland et Roy Dupuis, il reprend le rôle d’Yves, le jeune prostitué homosexuel assoiffé d’amour et d’absolu, dans Being at Home with Claude de René-Daniel  Dubois.

Luc Chapdelaine

va chausser de grosses pointures pour son (vrai) baptême professionnel. Après Lothaire Bluteau, Marc Béland et Roy Dupuis, il reprend le rôle d’Yves, le jeune prostitué homosexuel assoiffé d’amour et d’absolu, dans Being at Home with Claude de René-Daniel Dubois.

Le comédien avait seulement dix ans en 1985, lors de la création de la pièce, au Théâtre de Quat’Sous, dans une mise en scène de Daniel Roussel. Par contre, en 1993, il a vu le film de Jean Beaudin et à subi un choc. "Je n’avais jamais entendu parler d’amour de cette façon-là. René-Daniel a mis des mots sur des sentiments beaux et extrêmes que je ressentais mais que je n’aurais jamais osé exprimer ainsi."

Being at Home with Claude est une magnifique lettre d’amour sur fond d’intrigue policière. Le 1er juillet 1967, un étudiant en lettres et militant indépendantiste est assassiné dans son appartement, rue Casgrain. Quelques jours plus tard, après avoir alerté les médias et s’être réfugié dans le bureau d’un juge (un de ses clients), un prostitué se livre à la police. L’enquêteur tentera d’élucider le crime commis par le jeune homme. Au bout de 30 heures d’interrogatoire, Yves arrivera à émouvoir l’inspecteur avec son témoignage d’un amant touché par la grâce de l’amour. En connaissez-vous beaucoup, vous, des policiers touchés par le crime passionnel d’un amant gai? Et en 1967!

Car au fil des confidences, l’inspecteur (et les spectateurs) réalise qu’Yves se tape des clients au Carré Dominion comme Cyrano de Bergerac lançait ses tirades aux cadets de Gascogne: par manque d’amour. Yves se prostitue pour attirer l’attention des gens, les secouer dans leur indifférence, et toucher à des instants d’éternité. Il s’imagine la voir, l’éternité, quand ses clients jouissent furtivement; le seul instant où leur visage ne ment plus.

Comme bien des auteurs visités par la muse, René-Daniel Dubois a écrit rapidement sa pièce: en six jours, alors qu’il séjournait à New York, en 1984. Après le succès de Panique à Longueuil, son précédent opus qui a tenu l’affiche durant huit mois au café-théâtre Nelligan (tiens, à cette époque, on dépassait les quatre ou cinq semaines réglementaires…), Dubois connaissait maintenant la gloire. On connaît la suite. Il est devenu une des figures de proue de la génération des dramaturges post-Tremblay, pour le meilleur et pour le pire.
À travers le récit d’Yves, Dubois touche, bien sûr, à l’universel. Son personnage exprime de belles et bouleversantes choses sur l’amour: le vertige, le dur désir de se fusionner avec l’autre, l’impossibilité de garder la flamme de la passion intacte, et, surtout, le besoin de croire que l’amour demeure plus fort que tout.

Ce n’est pas pour rien que sa pièce a connu un immense succès à sa création et que, depuis, elle est considérée comme un des chefs-d’oeuvre de la dramaturgie québécoise. Le témoignage d’Yves, un monologue de 16 pages bien serrées, est à lui seul un morceau d’anthologie.

"En termes d’écriture, c’est la plus simple et la plus limpide de mes pièces, confie René-Daniel Dubois dans le communiqué de presse de l’Espace Go. Et en termes de rétroaction, c’est celle qui a soulevé le plus de questions chez les gens."

On peut expliquer cette réaction par le sujet de l’oeuvre. Dubois abonde: "Le seul sujet qui m’a toujours intéressé, c’est l’amour. Et maintenant, je comprends pourquoi: l’amour en Occident, c’est le lieu où toutes les questions du rapport au monde se posent. (…) Toute la définition de la culture se ramasse dans cette petite boule hypermassive: l’amour."
Quand la direction de l’Espace Go a décidé de programmer Being cette saison, elle en a confié la mise en scène à l’auteur. Après avoir pensé à auditionner des jeunes comédiens, Dubois a finalement confié le rôle à Luc Chapdelaine sans auditions. Le comédien a complété, l’année dernière seulement, une formation de quatre ans à l’École nationale de théâtre du Canada, où il a été remarqué par des artistes aussi prestigieux qu’André Brassard, Yves Desgagnés et… René-Daniel Dubois.

Ce dernier a été fasciné par le caractère excessif du comédien de 25 ans, qui correspond à celui d’Yves. À ses côtés, on retrouvera un autre acteur charismatique, Patrick Goyette (l’inspecteur), en plus de Claude Gai (en sténographe) et Nino Ménard (un musicien sur scène). Le décor sera réalisé par le talentueux jeune scénographe Gabriel Tsampalieros et les éclairages, par Guy Simard.

Du 14 novembre au 9 décembre
À l’Espace Go
Voir calendrier Théâtre