Diane Dubeau : La Maison hantée
Scène

Diane Dubeau : La Maison hantée

Pension Vaudou nous permet de passer en revue ce qui habite nos nuits.

Le matin de notre entrevue, Diane Dubeau est arrivée à l’Espace Libre complètement bouleversée. Un junkie venait de s’injecter une dose sous ses yeux, sans même cesser d’arpenter le trottoir. Celle qui s’émeut ainsi du sort des autres est pourtant plongée depuis plusieurs mois dans l’univers glauque de Pension Vaudou, une pièce de théâtre grand-guignolesque peuplée de tordus et de sadiques. Une galerie d’horribles à côté de laquelle les désoeuvrés de la rue Ontario semblent sortis d’un film de Walt Disney. Comment la lumineuse metteure en scène peut-elle côtoyer, jour après jour, des êtres fictifs aussi répugnants et cauchemardesques? "Ce sont de grands enfants en manque d’amour et d’affection!" lance-t-elle avec un rire sonore. Les monstres imaginés par l’auteure Louise Bombardier la font frémir davantage de plaisir que de peur…

Il faut reconnaître que le projet est emballant. Jouée par des comédiens capables du meilleur (Violette Chauveau, Marie-Josée Forget, Maxim Gaudette, Dominique Leduc et Jacques L’Heureux), Pension Vaudou sera précédée tous les soirs d’une courte performance (offerte en alternance par Marie Brassard, Manon Labrecque, Éric Forget et Nathalie Derome) sur le thème de l’onirisme.

Un soir seulement, le 8 décembre, les quatre performances seront présentées en rafale, suivies (à minuit!) de la pièce. "Au théâtre, c’est en pratiquant qu’on avance, croit Diane Dubeau. Pourtant, c’est difficile parce qu’on n’a pas les moyens d’être constamment en répétition. Comme directrice artistique de l’Espace Libre, j’aimerais bien instaurer la tradition de présenter, avant chaque show, une courte performance."

"Pension Vaudou nous permet de passer en revue ce qui habite nos nuits." La pension du Hurleur (un hermaphrodite pervers incarné par Jacques L’Heureux) est habitée par des personnages "auxquels on croit, comme aux monstres de nos rêves", qui interprètent les épisodes marquants de leurs vies. "C’est comme un exorcisme! poursuit Diane Dubeau. Ce spectacle, c’est un mélange de tombola et de vaudou. Le texte réussit à nous maintenir sur la fine ligne entre le grotesque et le vrai, l’humour et l’horreur."

Le texte en question – "impossible à monter!" – est le résultat d’un collage d’écrits de Louise Bombardier, dont le coeur est L’Enfant, une oeuvre fantastique présentée dans le cadre du Festival des courtes pièces du Nouveau Théâtre expérimental (NTE) en 1998. "Ça peut avoir l’air prétentieux, mais ces textes avaient besoin de moi, avaient besoin d’un metteur en scène. Et moi, j’avais besoin de ce genre de défi!"

Diane Dubeau dit être de la même école que Borduas, qui peignait en étudiant sa toile après chaque trait. "Je me rends compte que je fonctionne beaucoup plus à l’instinct que je ne devrais l’avouer! J’intellectualise, mais après le show! Tout se décide en répétition. Ça m’a pris un certain temps à découvrir que c’était ma manière de fonctionner, et qu’elle était valable."

"Le jeu des comédiens est influencé par l’onirisme de la pièce. C’est exacerbé, c’est immense, il y a beaucoup d’émotions et de retournements. Les comédiens sont extraordinaires: même s’ils ont des rôles de composition totale, c’est incarné! Ils réussissent à faire jaillir l’émotion de manière soudaine, comme dans la vie. Au théâtre, tout est construit dans le but de mener à l’émotion et je trouve qu’il n’y a rien de plus faux! Dans la vie, l’émotion surgit de nulle part, de manière imprévisible. Cet univers onirique nous permet d’être plus près de l’émotion qui jaillit brusquement, d’être plus près de la vie!"

Impudique et grossier, le show qu’elle dirige sera tout, sauf cute. "Ça a toute la beauté et l’horreur du réel. C’est monstrueux, comme la vie. C’est un spectacle hors du commun. Avec l’équipe, j’ai vraiment l’impression de construire quelque chose ou, comme Robert Gravel l’aurait dit, "de faire un mauvais coup". C’est exactement ça: j’ai le feeling de faire quelque chose qui n’est pas tout à fait permis…"

Du 21 novembre au 16 décembre
À l’Espace Libre