L'École des femmes : Entre le rire et l'oubli
Scène

L’École des femmes : Entre le rire et l’oubli

Un très joli objet théâtral qui, en dépit d’heureuses trouvailles, provoque plus de bâillements que de rires – ou  d’émotions.

De tous les Molière qui se bousculent sur les planches montréalaises ce mois-ci, L’École des femmes est peut-être celui qui suscitait le plus de curiosité. Le spectacle du Théâtre Denise-Pelletier conjugue le retour à la scène de Marcel Sabourin, après 12 ans d’inactivité théâtrale, à la première visite du renommé metteur en scène et pédagogue français Alain Knapp. Ajoutez que les occasions où un théâtre montréalais invite un artiste étranger à venir exercer son talent auprès de nos comédiens se comptent, hélas, sur les doigts d’une main. On en est quittes pour une demi-déception: un très joli objet théâtral qui, en dépit d’heureuses trouvailles, provoque plus de bâillements que de rires – ou d’émotions.

Rien à redire sur le plan conceptuel, la pièce de Molière – moderne avant l’heure avec sa contestation de la domination mâle dans le mariage – ayant été soigneusement disséquée. On admire notamment le dispositif scénographique d’Anick La Bissonnière, cette jolie maison de poupées habillée de bois clair, dans laquelle, harmonieux mariage des couleurs, la petite robe jaune d’Agnès fait une tache de soleil… Pour évoquer les lieux multiples, le spectacle fait beaucoup joujou avec son plateau tournant, camouflant à loisir derrière une palissade la maisonnette où la couventine est retenue prisonnière.

Oscillant entre plusieurs époques, les costumes de Linda Brunelle ont l’avantage de situer chaque personnage dans son univers mental. Les racines rurales du propriétaire terrien Arnolphe (Sabourin) sont rendues manifestes. Aux côtés de son ami Chrysalde (Robert Lalonde), autre vieux garçon d’allure négligée, le voici campé en habitant âgé à la tenue débraillée, absolument pas ragoûtant pour la jeune fille qu’il a projet d’épouser, et mise à l’abri – croit-il – des tentations du monde. Alors que l’habile amoureux Horace (Sébastien Delorme) prend les traits d’un étudiant à lunettes.

Misant sur les divergences entre la jeunesse et la vieillesse, le spectacle joue ainsi de contrastes. Évelyne Rompré – la révélation de la pièce, avec sa fraîcheur et son phrasé très précis – compose une Agnès aux allures de poupée ingénue, lumineuse de naïveté tout enfantine qu’on ne rencontrerait pas aujourd’hui même chez une gamine de huit ans…

L’ennui, c’est que ce spectacle longuet à la drôlerie très clairsemée avance selon une cadence languissante qui semble calquée sur l’élocution traînante de la paysanne pas futée (Diane Ouimet). Or, une comédie a besoin d’un rythme un peu soutenu pour s’épanouir… et d’une interprétation forte.

Si sa truculence naturelle le sert dans quelques scènes, le jeu trop uniforme de Marcel Sabourin manque de relief; son Arnolphe restant indistinct et en rade d’une ligne puissante. Ridicule, cruel ou pathétique avec sa phobie des cornes, probablement tout cela à la fois, le personnage peut prêter le flanc à plusieurs visions. Aucune n’émerge vraiment dans cette École des femmes qui ne se veut ni franchement drôle ni réellement sombre.

Jusqu’au 2 décembre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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