Présences du Japon : Suivez le guide
Pour JOCELYNE MONTPETIT, au Japon, le danseur est soumis à quelque chose de plus grand que lui, ce qui explique qu’il porte un regard différent sur le corps et l’espace. Dans le cadre de Présences du Japon, la chorégraphe a invité Yukio Waguri, le "prince du butoh", à témoigner de son art.
La chorégraphe-danseuse Jocelyne Montpetit est une femme déterminée. Avec toute la ferveur nécessaire quand il s’agit d’implanter un nouvel événement, elle a mis sur pied Présences du Japon, un tout premier festival consacré à la danse japonaise.
L’événement s’est pensé en deux temps: il y a déjà eu, à la mi-octobre, une série de projections de films, documentaires et archives sur Tatsumi Hijikata, le grand maître du butoh; et, pour le dessert, Montpetit nous offre maintenant rien de moins que la visite à Montréal de Yukio Waguri.
Le danseur vient présenter, deux soirs seulement, la pièce Bone of Earth, hommage à Hijikata, créée il y a deux ans, lors du 13e anniversaire de la mort de l’artiste.
C’est avec intensité que la chorégraphe nous explique l’importance de cette visite."C’est la suite logique! Yukio Waguri a fait partie de la compagnie du maître durant huit ans. Il est un des seuls danseurs masculins qui vienne de cette cellule, de cette essence-là, et qui danse encore. On l’appelle le prince… Il est resté d’une grande fidélité à Hijikata, il en a, dans son corps, toute la méthode. Très peu de danseurs ont pu toucher cette méthode. Autant il faut abandonner le maître parfois, pour trouver sa propre écriture; autant il faut qu’il y ait des personnes comme Waguri. En ce qui a trait à la transmission, c’est excessivement important! Yukio Waguri a aujourd’hui 48 ans, mais il a l’air d’un petit garçon. Il n’a pas d’âge, comme tous les Japonais!".
Jocelyne Montpetit est bien placée pour parler du Japon. Rappelons qu’elle y a vécu et étudié durant cinq ans. "Depuis 18 ans, je suis en relation avec les Japonais…J’y retourne deux fois par année. C’est sûr que je connais presque personnellement tous les danseurs que j’inviterai, souvent ils m’ont enseigné. C’est un univers que m’est familier. Et pour pénétrer le Japon, pour favoriser les échanges, pour faire venir ici ces artistes, il faut qu’il y ait cette confiance-là."
Animée d’un réel désir de partager non seulement ses connaissances mais son amour profond pour la culture japonaise, Jocelyne Montpetit poursuit: "Avec Présences du Japon, qui reviendra tous les deux ans, je veux transmettre ce que j’ai appris là-bas. Il y aura de la réflexion, des discussions, de l’interaction après les spectacles; et tout ça, c’est important, il faut que ça circule… Même les gens qui affirmeront qu’ils ne comprennent pas, je trouve ça intéressant. Le Japon, c’est un autre regard sur le corps et je trouve important qu’on ait la curiosité de venir voir."
Comment le néophyte peut-il se préparer à cette expérience? "Au Japon, il y a un rapport différent à l’espace, une distance entre les corps. C’est une notion qu’on retrouve également en architecture, et dans les relations quotidiennes. Les Japonais ne se coupent jamais la parole, ils déposent les mots. Il y a aussi la temporalité des Japonais. Parfois, on dit que c’est lent, le butoh; mais, en fait, c’est une autre vitesse."
"Et puis, il y a la notion de métamorphose. Yukio Waguri, c’est un corps qui se métamorphose sans arrêt, d’un élément à un autre, d’un personnage à un autre. Le Japon reste toujours un mystère, même pour ceux qui l’ont pénétré. C’est une culture complexe, phénomène dû à leur côté animiste, et cela influence aussi les arts de la scène. Un danseur va par exemple considérer que l’espace est plus important que son ego. Le danseur japonais est soumis à quelque chose de plus grand que lui. C’est la pensée qui veut qu’on fasse partie de la pierre ou de la lumière… À l’inverse de la culture occidentale où, peut-être, on vit une espèce de compétition avec Dieu…"
Le voyage que nous propose Jocelyne Montpetit, justement parce qu’il est parsemé de questions, n’a donc rien de touristique. La visite de Yukio Waguri à Montréal se présente comme une rareté. Un privilège.
Les 17 et 18 novembre
À l’Agora de la danse