Les exercices de conversation … : De gré et de force
Scène

Les exercices de conversation … : De gré et de force

"Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années", s’écrie le Rodrigue de Corneille ou, à quelques mots près, celui du Cid maghané de Ducharme, pièce montée par les Fonds de Tiroirs à l’été 1999. À regarder leur feuille de route, c’est assurément ce qu’on a envie de lancer à FRÉDÉRIC DUBOIS et à ses acolytes.

Les exercices de conversation et de diction françaises pour étudiants américains

Finissant du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 1999, Frédéric Dubois, metteur en scène et directeur artistique du Théâtre des Fonds de Tiroirs, s’est déjà mesuré à de grands auteurs: Slawomir Mrozek l’été dernier, Réjean Ducharme, Eugène Ionesco, trois fois plutôt qu’une, et Raymond Queneau. Pour le premier spectacle des Fonds de Tiroirs, alors étudiants au cégep, il montait Zazie dans le métro, roman qu’il a lui-même adapté pour la scène.

En décembre, la compagnie récidive, cette fois encore avec un Ionesco: Les exercices de conversation et de diction françaises pour étudiants américains. Pour la première fois depuis quatre ans, les FDT jouent l’hiver. Frédéric Dubois dirige les comédiens Vincent Champoux, Sophie Martin, Marie-France Desranleau, Frédérick Bouffard et Éva Daigle; à la scénographie et à la musique, ses complices habituels: Yasmina Giguère et Pascal Robitaille.

"Les exercices de conversation…, c’est un texte blanc, explique-t-il. Il n’y a pas d’histoire: ce sont des exercices. Trente scènes, cinq personnages principaux: mais on peut les enligner comme on veut. C’est quasiment une création; ça a vraiment été un processus de travail ensemble." Quelle direction, alors, donner au texte? "J’ai construit la pièce comme un passage de l’enfance à l’âge adulte. Au début c’est propre, c’est poli; puis, on verse peu à peu vers le monde adulte. Il y a alors une solitude, une angoisse qui vient tranquillement s’inscrire dans ça: on passe de la lumière à l’obscurité." Il ajoute: "C’est une production moins colorée que ce qu’on a déjà fait, plus dure. C’est sûr que certains vont être déstabilisés en voyant ça. Mais on le fait parce qu’on y croit."

Jusqu’ici, les FDT ont présenté plusieurs textes à la langue, et parfois au propos, complexe. Témérité? Plaisir? Frédéric Dubois affirme: "En fait, je choisis par coup de coeur. Vraiment. J’ai le goût de monter ça, j’y vais: advienne que pourra. En plus, la folie de ces auteurs-là m’intéresse. Je trouve vraiment, dans ces textes, des mécanismes dont je veux parler: l’importance des mots, le besoin de parler, la violence de la parole, la déconstruction, l’angoisse. Ce que j’aime, c’est voir ce qu’il y a en-dessous…"

Et sous le nom de la troupe, qui en a fait sourire, si ce n’est sourciller, plus d’un, qu’y a-t-il? Bien plus qu’une allusion financière… "Au cégep, on a choisi ce nom-là pour signifier qu’on voulait "faire tout avec rien". Le nom évoque l’idée du jeu pur: comme des enfants on veut s’amuser, trouver un vieux morceau de costume et jouer, un peu comme Rodrigue dans Le Cid maghané, avec son épée en bois. Il y a aussi l’image de la commode avec ses tiroirs, qui contiennent plein de trésors: on fouille, on essaie des choses." À mesure que se développe le travail de la compagnie, le nom s’enrichit. "On fait toujours un travail sous la contrainte, explique le metteur en scène: on essaie de réduire les espaces, de contraindre le corps, de contraindre l’acteur, pour voir ce que ça donne, pour essayer de trouver autrement. Même si ça ne paraît pas nécessairement en représentation, dans le travail, c’est toujours présent. Et quels que soient nos moyens actuels, ou à venir, une chose est sûre: je ne veux pas lâcher cette idée de contrainte, qui m’a toujours fasciné, parce que ça donne vraiment des résultats."

Un coup d’oeil à son Tango de l’été dernier suffit: Frédéric Dubois, sans contredit, se place parmi les metteurs en scène les plus intéressants, et les plus prometteurs du moment. À surveiller de très près.

Du 5 au 16 décembre

Au Théâtre Périscope

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