Ironiquement baptisé Il y a trop de blanc au Québec, son premier one man show pose un double regard sur l’Afrique et le Québec, renvoyant dos à dos les clichés sur les uns et sur les autres, enchaînant un gag sur les Africains avec une blague de Ti-Coune, naviguant du choc des cultures éprouvé par l’immigrant noir dans la Belle Province, à l’étrangeté ressentie par le transfuge du Saguenay installé dans Côte-des-Neiges…
Un spectacle souvent drôle, mais qui s’éparpille en tirant tous azimuts. Ici, un peu de provocation soft, où Michel Mpambara joue sur le racisme à l’envers, proférant des vérités désagréables sur les Québécois, un peuple "mou, kétaine et chialeux" (excusez-le: il a attrapé chez nous le dangereux "virus de la liberté d’expression"); là, une dérision visant des énormités proférées sur le compte des Africains. Ailleurs, le monologuiste égrène des constats plus acides, ou raconte des histoires fantaisistes sur la vie sur le continent noir. Trop de cibles pour toujours taper dans le mille. Sous ses allures corrosives, Mpambara pratique en fait un humour plutôt naïf.
Truffés de jolies trouvailles ("En Afrique, on apprend surtout à se multiplier pour mieux se diviser…"), les textes manquent parfois de raffinement se contentant de surfer au premier degré sur des évidences. Sa vision de la société québécoise, notamment, s’en tient un peu trop à des facilités (son numéro sur l’école excepté): oui, on parque nos vieux, oui, on applaudit quand l’avion atterrit en Floride… On souhaiterait plus d’acuité, de profondeur.
C’est quand Michel Mpambara donne dans l’humour noir (sans jeu de mots!) qu’il frappe le plus fort: les enfants africains qui apprennent à compter jusqu’à 38 (nombre magique qui délimite l’espérance de vie nationale…); l’imbattable numéro sur Vision mondiale, ce "téléroman africain" qui vise avant tout à soigner la culpabilité occidentale; son Histoire du continent noir, qui ne nous épargne ni l’esclavage ni les génocides. Durs constats, mais dont la gravité sous-jacente est toujours arrosée de cette bonne humeur constante qui permet au monologuiste de jongler avec des sujets délicats.
Michel Mpambara a beau miser un peu trop facilement sur sa différence, qui lui tient parfois lieu d’originalité, la magie opère. Irrésistible avec son charme bonhomme, son large sourire sympathique, sa présence, l’humoriste au rire facile fait passer même les temps moins forts de son spectacle. Le talent ne lui fait pas défaut, ni les bonnes idées: reste à affûter davantage son regard, à raffiner son matériel. En attendant, le spectateur-rieur ne se plaindra pas, trop content qu’on varie son ordinaire. Tout pour nous changer de la rengaine usée des relations hommes-femmes…
Le 6 décembre
À la salle Albert-Rousseau
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