L'Ultima Récital : Diva pour rire
Scène

L’Ultima Récital : Diva pour rire

Malgré la rumeur enthousiaste, pour ne pas dire enflammée, L’Ultima Récital n’est pas aussi délinquant, aussi nouveau qu’on pouvait l’espérer.

Elle est énorme. Snob, vache, et savoureuse. Caricature totale de la diva wagnérienne, grimée et costumée comme une drag-queen. Quelque part entre Jessye Norman, la Castafiore et Mado Lamotte. Elle s’appelle Ulrika, mais Marianne James dans la vraie vie, réelle chanteuse qui, désespérant de voir sa carrière décoller, a risqué le virage de l’humour en créant ce fabuleux personnage.

Naissance de L’Ultima Récital, il y a quelques années, spectacle acclamé par la critique française (devenu, paraît-il, un mini-phénomène-culte auprès de la communauté gaie parisienne), qui a pris l’affiche chez nous, au Gesù, pour une dizaine de représentations.

Malgré la rumeur enthousiaste, pour ne pas dire enflammée, L’Ultima Récital n’est pas aussi délinquant, aussi nouveau qu’on pouvait l’espérer. Le scénario est mince. Apprenant que Siegfried, son amant, est aussi celui de sa pianiste accompagnatrice (la minuscule Yvonne), notre grosse diva très fâchée lutte à coups d’extraits parodiés. Airs d’opéra ridiculisés, détournement de genres, exagération des costumes et force grimaces. Il y a des longueurs, des sparages, et ça s’étire. Pas toujours si drôle que ça. Il y a même quelques moments où on a une fugace impression d’ego trip, de show pour soi, genre "v’nez voir comme on est folles."

Faut dire qu’au Québec, dans la catégorie des "divas pour rire", on a donné. Natalie Choquette et ses pitreries Julia Migenes et son énumération de clichés, cet été, au Festival Juste pour rire. Le stéréotype de la diva hautaine, distante et capricieuse ne fait plus rire depuis longtemps. Facile et déjà vu.

Là où cependant Ulrika arrive non seulement à briser cette lassitude prévisible, mais détrône toutes les autres et les bat à plate couture, c’est qu’elle finit par s’imposer, elle. Ça commence tout doucement, mais malheureusement un peu tard, quand après des envolées vocales, elle s’adresse au public. Ulrika raconte quelques souvenirs grivois, lance quelques blagues salées, harangue et défie le public: "Je peux descendre dans la salle, vous savez", menace-t-elle, délicieusement baveuse…

À partir de cet instant, nous avons eu le coup de foudre pour Ulrika. Parce qu’elle est absolument irrésistible de nonchalance, de prétention, d’arrogance riante. Elle roucoule de méchanceté. Personnage merveilleux, sorcière extraordinaire, mille fois plus marquante et étonnante que le spectacle qui la fait découvrir.

Si bien qu’on se surprend à rêver: Ulrika lâchée lousse, sans texte ni scénario, quelques extraits en moins, et qui improvise. Et puis, surtout, on la sort du morne Gesù, on la téléporte dans un club bondé, tard le soir, avec de la bière et de la fumée. Du bon vieux cabaret, quoi, audacieux et qui chauffe! Quelque chose comme un Boum Ding Band de l’opéra! Imaginez le délire…

Jusqu’au 9 décembre
Au Gesù