Semaine de la dramaturgie : Lettres de noblesse
Qu’est-ce qui peut réunir JACQUES LANGUIRAND, FRANÇOIS GIRARD et MARC LABRÈCHE dans un théâtre? La Semaine de la dramaturgie du Centre des auteurs dramatiques (CEAD). Avec le temps, cet événement annuel est devenu un bouillonnant festival de mots, d’idées et de chaleur humaine.
La dernière édition de la Semaine de la dramaturgie a pris fin, dimanche dernier, dans l’allégresse et l’enthousiasme par une lecture-spectacle d’un texte de Marie-Ève Gagnon regroupant sur une même scène 31 auteurs contemporains d’ici et d’ailleurs. "Ce fut une année très électrique", résume Diane Pavlovic, directrice artistique de la Semaine et responsable de la dramaturgie au CEAD.
Pendant six jours, des pièces inédites de 12 auteurs québécois ont été mises en lecture sur la scène principale du Théâtre d’Aujourd’hui, devant des salles presque toujours pleines. Plusieurs extraits de textes de 19 auteurs venus d’Europe, d’Afrique et d’Amérique ont été aussi lus dans la petite salle Jean-Claude Germain. Ce volet international faisait suite aux Résidences d’écrivains francophones organisées au Québec, depuis 1999, par le CEAD dans le but de stimuler les rencontres et les dialogues entre les auteurs de la francophonie.
Diane Pavlovic estime que cette édition a d’ailleurs été le lieu de belles et fructueuses rencontres entre les auteurs étrangers et québécois. En effet, une trentaine de professionnels européens (diffuseurs, éditeurs, producteurs…) ont assisté aux activités de la Semaine, puis sont repartis pour la France, l’Écosse ou la Belgique avec des textes québécois dans leurs valises!
En ce qui concerne la qualité des pièces lues, l’organisatrice nous jure que c’est un bon cru. "On entre dans une nouvelle ère très faste, estime Diane Pavlovic. Le panorama de cette édition expose des auteurs de tous les horizons, aux voix originales et plurielles. On n’est plus à l’époque où la dramaturgie québécoise couronnait un chantre, et un seulement, par génération."
L’âge de la maturité
Autre constat, l’éternel problème d’identité des Québécois – ciment de notre dramaturgie pendant des décennies – semble avoir disparu. "Sur le plan du contenu, les préoccupations des jeunes dramaturges concernent autant des questions sociales à l’échelle planétaire (la manipulation génétique, les nouvelles technologies, etc.) que des réflexions plus spirituelles. Il y a un retour au sens", croit l’organisatrice.
La dramaturgie québécoise aurait donc atteint l’âge de la maturité, se mêlant de plus en plus aux voix étrangères et, surtout, ne craignant plus le regard critique venu d’ailleurs. Cette édition a aussi été celle des anniversaires, les 15 ans de la Semaine concordant avec les 35 ans du CEAD. Ce qui explique le foisonnement d’activités et d’événements connexes en plus de la participation d’artistes de tous les milieux: le chanteur Urbain Desbois, le cinéaste François Girard, le comédien-animateur Marc Labrèche…
Ces deux derniers ont d’ailleurs contribué à l’une des soirées les plus courues de la Semaine: la lecture de Faust et les Visiteurs de la nuit, de Jacques Languirand. Il faut dire que l’animateur radiophonique n’avait pas écrit pour le théâtre depuis plus de 30 ans: Klondyke, créée au TNM en 1965, ayant été sa dernière pièce produite au Québec. Outre Labrèche, Alexis Martin et Anne-Marie Cadieux ont uni leurs voix à celle de Languirand sous la direction de Girard pour cette lecture.
La pièce reprend le mythe du vieux Faust qui vend son âme à Lucifer pour retrouver sa jeunesse et conquérir une belle femme. Mais dans une version socio-philosophique très 21e siècle. C’est brillant, drôle, émouvant et érudit. Mais le texte est un peu long (l’agonie de Faust, entre autres) et il embrasse beaucoup de sujets trop complexes pour la scène. Comme si Jacques Languirand avait voulu résumer 30 ans de Par quatre chemins en trois heures!
Or il semblerait que Girard désire ardemment que la pièce de Languirand soit produite. Quand deux êtres dotés d’une telle intelligence s’unissent, un projet a inévitablement un bel avenir.