Contes urbains : Hard Coeur
On aurait pu rebaptiser les Contes urbains, version 2000, le Festival Yvan Bienvenue.
On aurait pu rebaptiser les Contes urbains, version 2000, le Festival Yvan Bienvenue. Alors que les éditions précédentes comportaient toujours un ou deux contes signés par le père de ce traditionnel événement (comptant parfois parmi les plus goûteux ou punchés de la soirée), tous les textes portent la main du poète cette année. Si bien qu’on fait rapidement l’inventaire des forces, mais aussi des limites de l’auteur, ici inégalement inspiré.
Il y a bien un peu de tout dans ces huit contes urbains: quelques numéros drôles, un texte à la langue aussi verte qu’un sapin de Noël (l’assez indigeste Le Trou), un soupçon de subversion anticléricale, des outrances, du macabre, du surnaturel, des histoires fleur bleue. Mais on y fait aussi le tour du "style Bienvenue", reconnaissant son rythme, ses amorces, souvent parentes (genre "Y a des histoires qui nous déchirent le coeur…"), ses sentences sur la vie, son verbe cru, son humour noir, auquel se mêlent parfois, hélas, des relents moralistes et une propension à la sentimentalité, avec l’amour comme leitmotiv…
Ça peut être cute, comme dans cette histoire toute simple de sans-abri, qui ouvre le bal. Ou particulièrement ennuyeux, dans le bien nommé Mélodrame, long conte larmoyant sur une vieille dame et son fils déficient mental, que Louison Danis, pourtant bonne actrice, enlise dans une absence de rythme et d’expression.
Cette "cuvée hard core et hard coeur" oscille ainsi entre la noirceur du poète rock’n’roll et les trop bonnes intentions. Entre ces deux versions d’Yvan Bienvenue, il est permis de préférer la première, qui fait davantage de flammèches…
Contredisons donc l’auteur, qui avait annoncé que cette année, "tous les contes sont bons". Du lot, on retient Sano Mado, qui raconte la fin grotesque d’une "archiviste sadomasochiste", anecdote mince mais croustillante que se met en bouche avec gourmandise une Caroline Lavoie aguicheuse; et surtout La Mort: un conte original où un étonnant Joël Marin à la candeur gamine et aux yeux hallucinés incarne un représentant gaffeur de la Grande Faucheuse. Désopilant.
La surprise finale, bon flash qui marque l’entrée en scène de Paul Lefebvre, rachète une deuxième partie très mortifère. Il est particulièrement réjouissant de voir ce grand touche-à-tout du théâtre québécois camper un contre-emploi (un commis chez Toys’R’Us!) avec un plaisir manifeste. Mais un bon coup ne fait pas une soirée…
Malgré ses bons moments, malgré son environnement évocateur (le décor de Jean Bard, les sonorités énergiques du percussionniste François Beausoleil), cette dernière mouture des Contes urbains prouve qu’il est difficile de renouveler le genre, surtout pour un auteur seul, sans devenir aussi prévisible que la dinde sur la table du réveillon. À la longue, d’événementiels qu’ils étaient, les Contes urbains sont peut-être devenus à l’image de Noël: une tradition vidée de son âme…
Jusqu’au 23 décembre
À La Licorne
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