Eko : Haut la main
Pier Dufour et Louis Ayotte sont de grands complices. En scène durant plus d’une heure dans Eko, leur premier divertissement nocturne pour marionnettes consentantes, ils animent leurs pantins en parfaite harmonie, d’une main chacun, comme s’ils ne formaient qu’un seul homme!
Pier Dufour et Louis Ayotte sont de grands complices. En scène durant plus d’une heure dans Eko, leur premier divertissement nocturne pour marionnettes consentantes, ils animent leurs pantins en parfaite harmonie, d’une main chacun, comme s’ils ne formaient qu’un seul homme! Il faut dire que ces as de la manipulation ont du métier: ils se sont côtoyés au Théâtre Sans Fil pendant plus de 15 ans, avant de fonder leur compagnie, Kobol marionnettes. Depuis 1997, ils travaillent à la création d’une banque de courts numéros, dont Eko est le premier arrivage. Un genre de petit cousin soft des Contes urbains; mais là, ce sont les gestes, et non les êtres, qui parlent le plus…
Le spectacle débute avec Le Sorcier, une intro envoûtante qui plaira aux aficionados d’Harry Potter et de sorcellerie. Une immense créature concocte une potion magique à l’aide d’ingrédients (dont une touffe de cheveux!) qu’elle cueille ici et là dans la salle. Après un générique en Kobol-o-scope, clin d’oeil au merveilleux monde de l’entertainment, le spectacle se poursuit avec la présentation du Décrocheur, un sketch muet d’une grande finesse. Le déchéance d’un homme d’affaires (plus petit qu’une Barbie!) nous est racontée sans un mot, du bureau au bar, de la maison vide au banc de parc, et ce, grâce à des changements de décors et à des silences pesants.
Arrive ensuite avec fracas le Punky, un attachant squeegee qui nous présente un clip dans lequel il chante et danse avec enthousiasme. Le numéro suivant est consacré à la très belle histoire (vraie) d’Hoa, un jeune Vietnamien prêt à tout pour nourrir sa mère et son frère. Puis entre en scène la Diva, une fragile marionnette de bois se livrant, dans un escalier qui rappelle une colonne vertébrale, à un troublant effeuillage qui n’a rien d’érotique… L’ambiance s’allège avec L’Audition, un savoureux hommage aux émissions de télé d’autrefois, dans lequel des marionnettes bricolées avec trois fois rien nous font crouler de rire. Le Punky pose ensuite ses grosses bottines sur la scène, le temps de chanter son chagrin d’amour avec "une fille ben g’lée, une fille sautée"…
Le compositeur Jean-François Léger a concocté pour l’occasion une bande sonore "mur à mur" très travaillée, qui teinte chaque numéro d’une émotion différente, dans laquelle on retrouve de nombreuses pointes d’humour. Les concepteurs des marionnettes (Francine Martin, Marie-Pierre Simard, Denis Leprohon et Léo André) ont, eux aussi, fait preuve d’un grand souci du détail, s’amusant à miniaturiser toutes sortes d’objets, comme le bloc de ciment sur lequel Punky déverse sa peine…
Au final, le spectacle dirigé par Marcelle Hudon apparaît comme un show de qualité, composé de divertissements nocturnes hétéroclites, dont l’agencement gagnerait toutefois à être revu (difficile de se plonger dans le drame d’Hoa quelques secondes après la performance déchaînée du Punky…). Quand ils auront quelques numéros de plus à leur répertoire, Pier Dufour et Louis Ayotte rêvent de se produire dans des lieux non théâtraux, comme des cabarets ou des galeries d’art. La compagnie Kobol contribuera-t-elle à l’émergence au Québec d’un théâtre de marionnettes subversif et impertinent, inspiré de la tradition européenne? C’est la grâce qu’on lui souhaite…
Jusqu’au 23 décembre
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui